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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 97

Le vendredi 7 novembre 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le vendredi 7 novembre 2003

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

LA SANCTION ROYALE

AVIS

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 7 novembre 2003

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que la très honorable Adrienne Clarkson, Gouverneure générale du Canada, se rendra à la salle du Sénat, aujourd'hui, le 7 novembre 2003 à 13 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire de la Gouverneure générale,
Barbara Uteck

L'honorable
        Président du Sénat
                Ottawa

[Traduction]

LE SÉNAT

LA PERMISSION DE PHOTOGRAPHIER LA SANCTION ROYALE—LE PROJET DE LOI WESTRAY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, on m'a demandé de poser cette question au Sénat. Êtes-vous d'accord pour qu'un photographe prenne des photographies durant la cérémonie de la sanction royale?

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Son Honneur pourrait-il nous dire de qui vient la demande?

Son Honneur le Président: J'ai reçu cette demande du Bureau.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, la requête vient des familles de la mine Westray. J'en ai discuté avec le whip de l'opposition, l'honorable sénateur Stratton, et nous nous sommes entendus pour que, en cette occasion spéciale, ces familles aient la possibilité de demander le consentement du Sénat pour que des photographies soient prises.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis d'accord dans ce cas-ci. Cependant, tous les sénateurs se rappellent des torts qui ont été causés déjà lorsqu'une photographie a été prise dans cette enceinte avant qu'il n'y ait une règle pertinente. Dans cette photographie, un sénateur semblait dormir. Cette image a été diffusée sur les écrans de télévision du Québec tous les soirs pendant trois ans. Si ce type de torts ne se produit pas à nouveau, et si les whips rassemblent autant de sénateurs que possible pour la sanction royale, je serai alors d'accord.

Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, la photographie ne sera pas du Sénat, mais de la cérémonie de la sanction royale et de Son Excellence la Gouverneure générale recevant le projet de loi C- 45.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je veux être certain que le projet de loi Westray figure sur la liste des projets de loi qui recevront la sanction royale aujourd'hui. J'ai remarqué à la fin du projet de loi C-45 qu'il entrera en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cela n'a rien à voir avec la date de la sanction royale.

Le sénateur Bryden: Je le comprends, merci.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je voudrais savoir où le photographe se placera. Les gens ayant un intérêt particulier dans le projet de loi C-45 seront-ils sur le parquet? Qu'est-ce qui sera montré dans cette photographie? Je crois que cela va créer un dangereux précédent. Le projet de loi C-45 est appelé le «projet de loi Westray», mais il n'aide pas les mineurs de la Westray.

Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, à ma connaissance, le photographe sera dans la tribune pour photographier la cérémonie de la sanction royale. Les gens de la mine Westray seront là également.


(0910)

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE SÉNAT

REMERCIEMENTS AUX SÉNATEURS ET AU PERSONNEL

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, aujourd'hui, il m'apparaît approprié de prendre quelques instants pour remercier chaleureusement tous ceux et celles qui ont collaboré avec le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration au cours des derniers mois. Le travail d'un comité de régie interne ne peut être mené à terme sans l'appui de ceux qui sont concernés par les décisions qui y sont prises, c'est-à-dire les sénateurs, au service desquels nous sommes, et l'équipe d'administration du Sénat, nos fonctionnaires qui servent l'institution avec loyauté et dévouement.

J'ai, à plusieurs reprises, insisté sur la nécessaire collaboration des honorables sénateurs pour mener à bien notre mission. Certains ont répondu positivement à mon invitation, d'autres l'ont ignorée cavalièrement. Mais je veux souligner, ce matin, toute la reconnaissance et l'appréciation que j'entretiens à l'endroit de mes collègues qui m'ont encouragée dans mes tâches et qui ont facilité ma mission. Cette mission, pour moi et mon comité, était d'assurer la bonne administration des ressources au Sénat. Nous étions fiduciaires, aux yeux du peuple canadien, de la gestion efficiente des fonds publics. Nous avons rempli ce mandat au mieux de nos connaissances, étant conscients de la responsabilité éthique intrinsèque à notre mission. Pour mes collègues qui étaient sensibles à cette réalité indéniable, j'ai un seul mot, merci.

Je ne peux passer sous silence le travail remarquable de tous les employés du Sénat. Je ne peux oublier leur dévouement de tous les instants, leur capacité à évoluer dans un environnement sous pression, souvent intense, leur sens profond de l'institution qu'ils servent et de la grandeur de celle-ci. Si ces hommes et ces femmes mettent le meilleur d'eux-mêmes au service du Sénat, c'est parce qu'ils croient en la noblesse de la Chambre haute et en son rôle essentiel dans notre système parlementaire.

L'équipe du Sénat est composée à tous les niveaux, employés de soutien, professionnels et gestionnaires, de personnes motivées et déterminées qui effectuent un travail de première qualité. L'élément central de ce dévouement est la fierté ancrée en eux, celle de servir une institution qui contribue à la qualité des échanges parlementaires, à la réflexion nécessaire sur des questions essentielles et à la représentation des minorités et des provinces.

Je remercie et félicite les employés du Sénat, en particulier ceux avec lesquels j'ai collaboré étroitement, c'est-à-dire toute l'équipe de gestion. Ils se sont distingués par l'ardeur de leur engagement et de leur motivation.

Je termine en vous invitant à vous joindre à moi pour remercier tous nos employés pour leur travail remarquable. Nous, du Sénat, devons mériter le dévouement de ceux qui servent notre institution. Nous devons agir de façon à ce que tous les Canadiens soient fiers des citoyens, honorables, selon leur titre, qui les représentent en cette Chambre.

LE JOUR DU SOUVENIR 2003

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): «Au champ d'honneur les coquelicots sont parsemés de lot en lot».

Honorables sénateurs, le 11 novembre, comme toujours, les Canadiens se rassembleront en souvenir de ceux qui ont fait le sacrifice suprême pour leur pays, donnant leur vie pour que les Canadiens puissent vivre dans un pays libre et démocratique.

Honorables sénateurs, plus tôt cette semaine, nous avons adopté une mesure législative intitulée Loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste. Nous ne l'avons pas adoptée seulement pour que ceux qui ont vécu cette horreur s'en rappellent, mais bien pour que nous nous en souvenions tous.

Au moment de son adoption, j'ai indiqué que j'espérais que cette mesure législative permettrait entre autres de faire connaître cette horreur aux enfants canadiens. Ils doivent entendre parler de l'horreur de la guerre. Ils doivent connaître la bravoure des hommes et des femmes qui se battent au champ d'honneur. Ils doivent savoir qu'il faut protéger ces libertés qui nous sont si chères.

Je félicite tout particulièrement les anciens combattants, dont certains ont maintenant atteint un âge fort vénérable. Ils visitent les écoles et vont dans les classes pour parler aux jeunes Canadiens. Quel est leur message? C'est le suivant: ne faisons pas la guerre à moins d'y être absolument forcés. Si nous y sommes contraints, alors, de grâce, rendons hommage à ceux qui sont déjà allés au champ d'honneur. Saluons ceux qui servent actuellement dans les forces armées, notamment en Afghanistan, et ceux qui serviront dans l'avenir.

Des voix: Bravo!

L'honorable J. Michael Forrestall: «Auprès des croix. Et dans l'espace».

Honorables sénateurs, cette année, le ministère des Anciens combattants a choisi de se souvenir de la «guerre oubliée», si vous voulez bien pardonner cette image.

La guerre de Corée a été unique en son genre. À l'instar d'autres conflits armés, elle a engendré son lot de difficultés et a fait des morts et des blessés. Elle nous a également appris des leçons, à l'échelle nationale. Elle nous a montré que nous pouvions nous mobiliser pour les bons motifs. En 1953, ce conflit a appris à une génération de Canadiens, qui étaient trop jeunes pour avoir participé à la Seconde Guerre mondiale, mais assez vieux pour prendre part à la guerre de Corée, que nous aussi, comme nos prédécesseurs, nous avions des philosophes. Nous avions parmi nous des gens qui allaient écrire l'épopée de cette période difficile.

Toute une génération de Canadiens a été privée de ce genre d'aide. Comme le sait le sénateur Banks, nous n'avions pas de musique vers laquelle nous tourner. Les grands écrivains avaient écrit ou se préparaient à écrire. Personne n'a écrit au sujet de la guerre pour les enfants qui ont grandi durant les années 30 et 40. Nous avions une leçon particulière à apprendre.

J'unis ma voix à celle du leader du gouvernement au Sénat pour transmettre aux familles des personnes ayant servi en Corée nos plus profondes sympathies et nos plus sincères remerciements pour leur apport, et pour demander que l'âme de leurs êtres chers repose en paix.

(0920)

La Marine royale du Canada ayant été la première à offrir son aide dans ce conflit — elle figure bien sûr en tête de la liste des combattants — je vais dresser la liste des intervenants pour la postérité:

Marine royale du Canada: NCSM Athabaskan, NCSM Cayuga, NCSM Sioux, NCSM Nootka, NCSM Huron, NCSM Iroquois, NCSM Crusader et NCSM Haida.

Armée canadienne: Lord Strathcona's Horse (Royal Canadians); 2e Régiment d'artillerie de campagne, Royal Canadian Horse Artillery; 1er Régiment, Royal Canadian Horse Artillery; 81e Régiment de campagne, Artillerie royale canadienne; Corps du Génie royal canadien; Corps royal canadien des transmissions; The Royal Canadian Regiment: 2e Bataillon, 1er Bataillon et 3e Bataillon; The Princess Patricia's Canadian Light Infantry: 2e Bataillon, 1er Bataillon et 3e Bataillon; Le Royal 22e Régiment: 2e Bataillon, 1er Bataillon et 3e Bataillon; l'Intendance royale de l'Armée canadienne; Corps de santé royal canadien; Corps dentaire royal canadien; Corps royal canadien des magasins militaires; Corps royal canadien des ingénieurs électriciens et mécaniciens; Trésorerie militaire royale canadienne; Corps royal canadien des aumôniers de l'armée; Corps de prévôté canadien; Service canadien des renseignements.

Aviation royale du Canada, Escadron 426 (Thunderbird); en outre, 22 pilotes de l'ARC ont volé avec l'U.S. Fifth Air Force.

Honorables sénateurs, j'ai dressé cette liste pour que les élèves sachent dans l'avenir que le Canada n'a ménagé aucun effort, que tous ses militaires des trois services armés ont contribué à cette entreprise internationale.

Par conséquent, nous nous rappelons de la «guerre oubliée» et nous nous rappelons de ceux qui y ont participé. Je souligne au passage à quiconque souhaite s'y rendre en visite que ce pays est ravissant. Lorsqu'un jeune Canadien faisant partie de notre groupe a demandé à un ancien combattant comment il se sentait aujourd'hui, 50 ans plus tard, celui-ci s'est tourné vers nous, nous a regardés et puis a répondu «Vous savez, je pense que ça en a valu la peine.» Que Dieu le bénisse!

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je veux aborder un sujet que je comptais aborder hier, mais je joins d'abord ma voix à celles des sénateurs Carstairs et Forrrestall pour rendre hommage à tous ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie au nom de la paix et de la justice dans le monde et pour le Canada.

J'ai eu l'honneur de représenter le très honorable John Turner une fois à la cérémonie qui se tient chaque année le 11 novembre. Hier, le sénateur Carstairs nous a invités, si nous sommes à Ottawa, à participer à cette cérémonie qui aura lieu mardi. Permettez-moi de dire que dans ma région, il y a un endroit appelé Flanders Hall. Les anciens combattants meurent tous, malheureusement, et ma région change énormément. Elle compte maintenant des néo-Canadiens qui viennent des quatre coins du monde et qui ne savent pas toujours en quel honneur ils voient parfois un petit défilé et une couronne. C'est pourquoi je sais gré aux sénateurs Carstairs et Forrestall de nous avoir rappelé que l'éducation est le meilleur moyen de perpétuer le souvenir de ceux qui sont morts au champ d'honneur et de rappeler les horribles tragédies qui seront évoquées cette semaine.

BHUPINDER LIDDAR

FÉLICITATIONS À L'OCCASION DE SA NOMINATION AU POSTE DE CONSUL GÉNÉRAL

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis fier du deuxième point que je veux aborder. Le Canada est une société qui évolue à un rythme rapide. Le premier ministre était ravi d'annoncer, cette semaine, la nomination pour la première fois d'un membre de la communauté sikhe canadienne à la tête d'une mission diplomatique. Nous savons tous qu'il s'agit de M. Bhupinder Singh Liddar, qui est très bien connu sur la colline du Parlement. Il est l'éditeur et le rédacteur en chef du magazine Diplomat and International Canada, que nous lisons tous chaque mois et dans lequel nous trouvons de très précieuses informations. M. Liddar anime l'émission Le Monde diplomatique, à la chaîne CPAC et il tient aussi une chronique régulière dans le Hill Times. Il a été nommé le 21 octobre. Il parle le panjabi, le swahili et l'anglais, et je peux confirmer qu'il parle un peu mieux le français chaque jour. N'est-ce pas merveilleux d'avoir un tel représentant?


AFFAIRES COURANTES

L'EXAMEN DE L'APPLICATION DE LA LOI SUR LA FAILLITE ET L'INSOLVABILITÉ ET DE LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS
AVEC LES CRÉANCIERS DES COMPAGNIES

RETRAIT DU QUINZIÈME RAPPORT DU COMITÉ DES BANQUES ET DU COMMERCE

L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je voudrais retirer le quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé «Les débiteurs et les créanciers doivent se partager le fardeau: Examen de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies», déposé au Sénat le mardi 4 novembre 2003, et le remplacer par une version révisée.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Une voix: Je voudrais une explication.

Le sénateur Kroft: Il s'agit d'une question technique mineure. Les sénateurs qui ont certainement déjà assimilé le contenu du rapport savent qu'il compte 242 pages d'information complexe recueillie sur une longue période. Le comité s'est aperçu que le rapport contenait deux erreurs. Dans un cas, on avait oublié d'inscrire sur la liste des témoins des universitaires qui avaient présenté un mémoire au comité. Nous prenons la chose au sérieux, compte tenu du temps et des efforts considérables consacrés à la question par les témoins.

Deuxièmement, et cet aspect concerne la teneur même du rapport, le Comité des banques a constaté une erreur dans l'approche du comité, aux pages 153 à 158 du rapport, concernant le traitement appliqué aux réclamations des commissions des accidents du travail. Nous avons rédigé cette partie du rapport en tenant pour acquis que le paragraphe 136(1) de la loi donnait priorité à toutes les créances des commissions des accidents du travail sur les créances non garanties, mais non sur les créances garanties.

On nous a informés, depuis le dépôt du rapport, que cette priorité existait avant 1997, mais qu'une disposition crépusculaire y a mit fin depuis. Le comité voulait, selon une autre recommandation qui lui a été faite, que les créances des commissions des accidents du travail soient traitées comme des créances privilégiées, derrière les créances garanties mais devant les créances non garanties en vertu de la Loi sur les faillites et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Honorables sénateurs, nous corrigeons le texte pour le rendre conforme à la recommandation qui a déjà été faite, parce qu'il renvoyait à un article qui n'était pas celui auquel nous pensions. Ce sont là les changements auxquels nous procéderons.

J'ajoute que le coût sera minime. Les modifications ne visent que les pages qui ont été de nouveau soumises, et la transmission électronique pourra être rapidement effectuée. Je demande respectueusement l'approbation du Sénat.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs accèdent-ils à la demande de l'honorable sénateur Kroft?

Des voix: D'accord.

[Plus tard]

Le sénateur Kroft: Honorables sénateurs, je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande la permission du Sénat de revenir aux avis de motion du gouvernement après les ordres du jour, les interpellations et les motions afin de discuter de la motion d'ajournement.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il consentement pour que nous revenions aux avis de motion du gouvernement immédiatement, avant de passer à la motion d'ajournement inscrite au Feuilleton?

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Consentement refusé.

Son Honneur le Président: Le consentement est refusé.


(0930)

PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LES COMPTES PUBLICS—LE CONTRAT DE CONCEPTION DU LOGO DE LA DÉFENSE NATIONALE

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai une brève question à poser au leader du gouvernement au Sénat. J'espère, franchement, que ce n'est pas la dernière question que j'aurai l'occasion de lui poser. J'espère que madame le leader restera en poste et poursuivra le travail remarquable qu'elle accomplit depuis plusieurs années.

Honorables sénateurs, selon les comptes publics diffusés récemment, au cours de l'exercice financier 2002-2003, le ministère de la Défense nationale a versé la somme de 1,2 million de dollars à la société Groupaction pour des services professionnels et spéciaux. Madame le leader du gouvernement pourrait-elle préciser au Sénat si ce marché a été accordé en vue de la conception d'un logo qui n'a jamais été utilisé ou à d'autres fins?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais pas si cette somme a été versée pour la conception du logo des Forces canadiennes, auquel l'honorable sénateur fait allusion et qui a, par la suite, été rejeté.

L'honorable sénateur n'est pas sans savoir que bon nombre des activités de cette société font l'objet d'une enquête.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je m'inquiétais davantage du logo que de cette société.

Sans entrer dans les détails relatifs à la société en question, madame le leader du gouvernement pourrait-elle préciser au Sénat, aujourd'hui ou à une date ultérieure, premièrement le but de ce marché ou de ces marchés, deuxièmement, si le ou les marchés ont fait l'objet d'un appel d'offres et, troisièmement, si les travaux ont bel et bien été effectués?

Le sénateur Carstairs: Je me ferai un plaisir de tenter d'obtenir ces renseignements pour l'honorable sénateur.

L'AGRICULTURE

L'OUEST DU CANADA—LA CRISE AGRICOLE—L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je m'en voudrais de ne pas poser une question sur les problèmes très graves qui affligent l'industrie agricole.

Hier, le Comité de l'agriculture a entendu deux agriculteurs que je connais bien. Ils ont très clairement dit que la situation que connaît l'agriculture en ce moment est très difficile. Au problème de la faiblesse des prix, il faut ajouter celui qui frappe actuellement les éleveurs de bétail. Avec la passation des pouvoirs à la tête du gouvernement, il me semble qu'il faudra attendre le printemps avant que des mesures concrètes soient prises à l'égard de ces problèmes.

Madame le leader du gouvernement au Sénat a été très réceptive aux questions concernant les problèmes que vivent les agriculteurs parce que, étant elle-même originaire du Manitoba, elle les comprend bien. Pourrait-elle faire valoir auprès du Cabinet, ou de ceux qui détiennent le pouvoir, l'importance d'intervenir avant les semailles du printemps pour atténuer ces difficultés?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de sa question. Je continuerai bien sûr à attirer l'attention sur ces préoccupations, comme je le fais presque quotidiennement.

Comme le sait le sénateur, il y a de bonnes nouvelles au sujet de l'ESB. En effet, le 31 octobre, le département de l'Agriculture des États-Unis a émis un projet de règlement. Le public a 60 jours pour faire ses commentaires. On espère que d'ici le 5 janvier, la date limite, le département aura reçu les commentaires requis et que la frontière sera rouverte.

Comme l'a clairement dit le sénateur Gustafson, cela en soi réglera les problèmes non seulement pour l'industrie du boeuf, mais aussi pour les autres secteurs. Je puis assurer aux sénateurs que nous continuerons à travailler sur ces dossiers.

L'OUEST DU CANADA—LA CRISE AGRICOLE—LE PRIX DES GRAINS

L'honorable Leonard J. Gustafson: L'annonce de la réouverture possible de la frontière est très encourageante.

La faiblesse du prix du grain constitue actuellement l'une des principales préoccupations dans l'agriculture. Par exemple, le prix du blé dur est tombé d'environ 5 $ à environ 2,40 $. Cela crée un très grave problème pour les producteurs de céréales et pour l'industrie agricole en général. Madame le leader du gouvernement pourrait- elle porter cette question à l'attention des autorités?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je le ferai, et je demande au sénateur Gustafson de faire tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir la coopération de la Saskatchewan en ce qui concerne le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole car, à l'heure actuelle, la Saskatchewan constitue une entrave importante au transfert d'argent entre le gouvernement fédéral et les agriculteurs qui en ont besoin.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES ÉTATS-UNIS—L'EXPULSION D'UN CITOYEN CANADIEN VERS LA SYRIE—LE COMMUNIQUÉ DE PRESSE—DEMANDE D'ENQUÊTE

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, en réponse à un sénateur qui se plaignait de ne jamais avoir la chance de poser des questions, le sénateur Christensen a répondu un jour: «Permettez-moi de vous donner un conseil. La seule façon d'y arriver est d'avoir de la ténacité et de persister.» Par conséquent, je serai tenace, je vais persister et revenir sur un point qui ne veut pas disparaître de l'actualité. Comme je l'ai prédit il y a un an, la question continue de faire boule de neige et nous devons y accorder notre attention.

Dans le communiqué de presse no 169, M. Graham, un ministre fort compétent, a fait une déclaration demandant à la Syrie d'enquêter, et ainsi de suite. Pourquoi une déclaration aussi inspirante n'a-t-elle pas aussi été adressée aux États-Unis d'Amérique et à la Jordanie? Après tout, la Jordanie est censée être parmi nos plus proches amis. Je ne dirai pas alliés car c'est une tout autre notion, mais ce pays est l'un de nos amis dans cette vaste région.

Ce qui s'est produit aux États-Unis est inacceptable, tout comme ce qui s'est produit en Jordanie, un pays que j'aime beaucoup, comme bien des gens le savent. Bien entendu, les événements survenus en Syrie, s'ils s'avèrent, sont aussi tout à fait inacceptables. J'ai fait connaître mon opinion à ce sujet aux gens les plus haut placés en Syrie. Je ne fais aucune exception quand il s'agit du traitement réservé à des Canadiens.

Je veux savoir si, dans l'affaire de M. Arar, un communiqué de presse semblable au communiqué no 169 concernant la Syrie a aussi été émis à l'intention des États-Unis.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, dès que nous avons appris qu'un citoyen canadien, M. Arar, avait été expulsé des États-Unis vers la Jordanie, puis vers la Syrie, au lieu d'être retourné vers son pays, c'est-à-dire le Canada, une protestation a été déposée auprès du gouvernement américain.

Au cours des quelques derniers jours, M. Graham, notre ministre des Affaires étrangères, a parlé à M. Powell car, au sud de la frontière, certaines accusations ont été portées au sujet d'informations émanant des autorités canadiennes.

(0940)

On ne trouve aucun exemple du fait que des renseignements du genre auraient pu être transmis aux États-Unis. Nous leur avons demandé de vérifier leurs dossiers et de nous préciser d'où ils ont tiré leurs renseignements et quel fonctionnaire leur a fait parvenir, s'il s'agit en fait d'un fonctionnaire.

LA RUSSIE—LA PRIMAUTÉ DU DROIT ET L'APPLICATION RÉGULIÈRE DE LA LOI—LA CONSTRUCTION D'UN PONT-JETÉE—L'INTÉGRITÉ TERRITORIALE DE L'UKRAINE

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'aimerais aborder deux alarmantes questions concernant la Russie. Comme nous le savons, un homme d'affaires bien connu a été accusé. Les milieux qui ont suivi cette affaire comprendront que si on avait respecté la primauté du droit, les mesures prises par le gouvernement seraient justifiables.

Au cours d'une entrevue hier, l'ambassadeur des États-Unis a souligné qu'on a recours à la diplomatie discrète pour encourager M. Poutine et son gouvernement à respecter dans cette affaire la primauté du droit, le droit à un procès équitable et l'application régulière de la loi qui sont censés exister en Russie.

Ma première question à l'intention du leader du gouvernement au Sénat est la suivante: quelles mesures, discrètes ou autres, le Canada prend-il pour garantir et favoriser le maintien de la paix et de la stabilité en Russie?

Ma deuxième question porte sur le fait que la Russie a unilatéralement décidé de construire un pont-jetée entre la péninsule russe de Taman et l'île ukrainienne de Touzla. Cette mesure unilatérale constitue une tentative de la part de la Russie de prendre le contrôle de la région. Le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine en 1991 avec ses frontières actuelles qui comprennent l'île de Touzla. Il est essentiel que ces frontières demeurent inviolables pour assurer la paix dans la région.

Quelles mesures le Canada a-t-il prises pour exprimer clairement l'appui inconditionnel du Canada à l'égard de l'intégrité territoriale de l'Ukraine et quels efforts le Canada fait-il pour tenter d'en arriver à une résolution pacifique de cette question?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le sénateur a posé une question qui porte sur la Russie, la primauté du droit et l'application régulière de la loi. Il faut être très prudents lorsque nous intervenons dans les activités d'un autre pays, particulièrement lorsque nous savons qu'il y existe des problèmes au niveau de la gouvernance comme c'est très certainement le cas en Russie.

Je ne suis au courant d'aucune mesure prise par le gouvernement fédéral. Je prends certainement note des déclarations de madame le sénateur, à savoir qu'elle estime que le Canada devrait intervenir, et je porterai sa recommandation à l'attention du gouvernement.

En ce qui concerne la situation de l'Ukraine, nous souscrivons entièrement à la déclaration des Nations Unies selon laquelle l'intégrité territoriale des pays indépendants doit toujours être protégée.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, le gouvernement ne s'ingérerait pas dans la souveraineté territoriale de la Russie s'il continuait d'appuyer la primauté du droit là-bas. Ces derniers temps, nous avons ouvertement encouragé la Russie à continuer d'édifier les structures et les institutions qui appuient la primauté du droit. En ce moment, pendant que tous les yeux sont tournés vers la Russie et son grand besoin de maintenir son économie, sa paix et sa stabilité, il conviendrait de lui transmettre quelques mots d'encouragement, comme nous l'avons déjà fait.

Il n'est pas question de miner la souveraineté, mais d'encourager la Russie à continuer de réaliser des progrès. Elle accueille des investisseurs étrangers et commence à développer ses relations commerciales, notamment dans le secteur pétrolier, pour le grand bien de la population russe. Dans le cas qui nous occupe, une diplomatie discrète serait de mise, mais il faudrait l'appliquer maintenant, et non plus tard.

En ce qui concerne la construction du pont-jetée, cette activité risque d'entraîner des bouleversements, car elle met en cause l'intégrité territoriale de la Russie. Elle aurait des conséquences environnementales et politiques. En ce moment, avec les bons offices du Canada en Ukraine et en Russie, quelques mots pour encourager un règlement pacifique de ce différend seraient de mise.

Nous attendons souvent trop longtemps. Si nous recourions à nos bons offices en tant que leader, nous pourrions peut-être exercer une influence apaisante sur la situation.

Le sénateur Carstairs: Madame le sénateur est bien connue au ministère des Affaires étrangères et par le ministre comme une personne qui connaît très bien l'Ukraine. Je sais que, lorsque je leur ferai part de ses instances, ses observations seront examinées sérieusement.

Pour ce qui est de la situation en Russie, madame le sénateur a raison. Depuis un certain nombre d'années, le Canada finance des structures et des cours de gouvernance. De toute évidence, si la Russie veut conserver sa réputation sur le plan international, il est important qu'elle fasse des progrès en acceptant la primauté du droit et le respect des garanties procédurales.

LA MALAISIE—LA RÉACTION DU GOUVERNEMENT AUX PROPOS ANTISÉMITES DU PREMIER MINISTRE DE LA MALAISIE—LA RENCONTRE AVEC LE HAUT-COMMISSAIRE
DE LA MALAISIE

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, il y a environ deux semaines, madame le ministre a répondu à la question du sénateur Tkachuk et s'est engagée à découvrir qui, au ministère des Affaires étrangères, avait rencontré le haut-commissaire de la Malaisie à la suite des célèbres déclarations incendiaires du premier ministre de la Malaisie, maintenant à la retraite. Madame le ministre détient-elle ce renseignement et pourrait-elle nous en faire part?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas ce renseignement. Je ne crois pas qu'il y ait de réponse différée à cette question. Du moins, je n'en ai reçu aucune ce matin.

Nous avons tout fait pour obtenir des réponses aux questions aussi rapidement que possible et il reste très peu de réponses différées ou même de questions écrites qui n'ont pas obtenu de réponse, mais je n'ai pas la réponse à cette question.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je comprends qu'il est difficile d'obtenir la collaboration du ministère et j'admire la façon dont la ministre est parvenue à accélérer le processus. Je la félicite ainsi que son collègue, le leader adjoint.

Pour en revenir à la question, madame le ministre nous dira-t-elle, maintenant que M. Graham est de retour de l'étranger, s'il a l'intention de convoquer le haut-commissaire de la Malaisie pour lui signifier la réaction du gouvernement à ces déclarations? L'impact serait plus grand si cela provenait d'un ministre plutôt que d'un fonctionnaire, même haut placé.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je serai heureuse de transmettre la recommandation de l'honorable leader de l'opposition au ministre des Affaires étrangères.

[Français]

PATRIMOINE CANADIEN

LA FONDATION DES BOURSES D'ÉTUDE DU MILLÉNAIRE—LE TRANSFERT DES FONDS AUX PROVINCES

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, vous vous rappelez sans doute que, au moment de l'étude du programme des bourses du millénaire, quelques collègues et moi-même étions opposés à cette initiative du gouvernement fédéral. Nous avions affirmé qu'il aurait mieux valu que le gouvernement fédéral décide d'inclure ce programme dans les transferts sociaux et qu'il mette à la disposition de chacune des provinces du Canada les fonds disponibles. Cela aurait permis aux gouvernements provinciaux, qui ont juridiction exclusive en matière d'éducation, de développer pour les étudiants de chacune des provinces des systèmes d'aide et de bourses conformes aux réalités particulières de chacune des régions du Canada.

Or, cette semaine, un rapport d'évaluation des bourses du millénaire a été publié, après trois ou quatre ans de fonctionnement. Une des conclusions de ce rapport est que, malgré les fonds considérables investis par le gouvernement fédéral dans le programme des bourses du millénaire, l'efficacité de ce programme serait vivement contestée. On a constaté que les fonds fédéraux disponibles n'ont fait que remplacer des programmes provinciaux existants, en plus de créer une bureaucratie fédérale probablement inutile.

(0950)

La ministre pourrait-elle sensibiliser ses collègues du gouvernement à l'hypothèse d'abandonner ce programme des bourses du millénaire et de transférer directement aux provinces, qui ont juridiction exclusive en matière d'éducation, les fonds fédéraux disponibles de manière à ce que chacune des provinces puisse apporter à ses étudiants l'aide dont ils ont besoin pour poursuivre leurs études universitaires?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, plus de 85 000 étudiants ont reçu des bourses du millénaire. Si l'honorable sénateur demandait à ces 85 000 étudiants si, à leur avis, ce programme était une bonne idée, ils répondraient par un oui retentissant.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, ce fonds a été créé pour améliorer l'accès aux études. Il est certain que les étudiants qui ont reçu une aide financière grâce au programme des bourses du millénaire en ont profité. Bien sûr, ils pensent que c'est une bonne idée.

Le rapport traite de l'objectif que poursuivait le gouvernement. Selon le rapport, le programme devait tendre à améliorer l'accès aux collèges et universités en offrant des bourses fédérales. Le vrai but, c'était l'accès aux études et l'allégement de l'endettement des étudiants.

L'analyse du programme réalisée par d'éminents universitaires qui observent le monde de l'éducation au Canada et la situation de l'accès aux études a signalé que la fondation était administrée par le secteur privé et qu'il y avait eu des contrats signés à la hâte avec chacune des provinces, ce qui a permis de détourner une partie de l'argent fédéral vers le Trésor des provinces au lieu d'améliorer l'aide financière aux étudiants. Le rapport dit encore qu'il n'y a eu ni surveillance ni analyse de la reddition des comptes sur les fonds.

Il me semble donc qu'une réévaluation s'impose, car il ne faut pas que cet argent soit détourné par les provinces ou autrement, au détriment des demandeurs existants. L'objectif consistait à élargir l'accès aux études à un plus grand nombre d'étudiants. Nous savons fort bien que la productivité et la compétitivité dépendent de l'ingéniosité et de la formation des jeunes.

Le fonds du millénaire a certes eu un rôle à jouer en éducation, mais ce n'est pas celui qui était prévu dans la loi. Il n'a pas permis d'élargir l'accès.

Le gouvernement examinera-t-il les modalités de l'utilisation des fonds pour améliorer l'accès aux études supérieures?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il y a une certaine contradiction entre la position adoptée par l'honorable sénateur Andreychuk et celle que défend l'honorable sénateur Rivest.

Je trouve, comme le sénateur Andreychuk, que cela devrait permettre un meilleur accès. Je reconnais aussi, comme le sénateur Rivest, que, si les provinces acceptent cet argent, mais qu'elles ne s'en servent pas pour améliorer l'accès, le gouvernement fédéral ne pourra rien y faire. Après tout, l'éducation est principalement une compétence fédérale. Même si, au Canada, la tradition veut que l'on finance les universités par l'intermédiaire de chaires de recherche, de fonds de recherche et d'autres sources de revenus, lorsque les provinces utilisent les fonds fédéraux à d'autres fins, les moyens d'intervention du gouvernement provincial sont limités.

J'observe le même problème en ce qui concerne la prestation fiscale pour enfants. Comme l'honorable sénateur le sait, dans la plupart des cas, les prestataires de l'aide sociale au Canada ne touchent pas la prestation fiscale pour enfants parce qu'elle leur est enlevée par les provinces en application de la disposition de récupération.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je veux souligner le fait qu'au départ, c'est le gouvernement fédéral qui récupérait des fonds sur le dos des provinces. Nous ne pouvons donc pas faire reposer tout le blâme sur elles. Il s'agit en l'occurrence d'argent neuf. Il devait servir à améliorer l'accès à l'éducation. Je ne crois pas que l'on puisse dire que les provinces escroquent qui que ce soit. Elles exercent leur pouvoir discrétionnaire.

Je demande au gouvernement d'examiner les moyens d'améliorer l'accès à l'éducation, car les provinces ont clairement besoin de plus de fonds pour l'éducation.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'éducation est une compétence provinciale. Les provinces doivent financer l'éducation. Selon l'analyse du rapport qu'a mentionnée l'honorable sénateur ce matin, certaines provinces n'utilisent pas cet argent supplémentaire destiné à l'éducation pour en accroître l'accès.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, les bourses accordées aux provinces le sont à cause du pouvoir fédéral de dépenser.

La jurisprudence, de la Cour suprême du Canada et des autres cours, dit que nous ne devons pas intervenir dans les champs provinciaux. Je suis d'accord avec le pouvoir de dépenser. Je ne le conteste pas. Je pense que ce pouvoir est nécessaire parce que certaines provinces sont plus riches que d'autres et que nous devons avoir, dans notre pays, des chances égales. Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas possible d'avoir des variations d'une province à l'autre.

Je me souviens des années où l'on parlait de l'aide fédérale aux universités. Québec avait refusé de recevoir ces fonds. Les universités avaient dit au premier ministre d'alors, M. Maurice Duplessis, que cela n'avait pas de bon sens et qu'il fallait recevoir les subventions fédérales pour les universités. Nous avions finalement trouvé un très bon système.

Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas le faire avec les bourses du millénaire. Madame le leader du gouvernement dit que 85 p. 100 des étudiants sont très contents, tant mieux. Je ne suis pas surpris. J'enseigne à l'université depuis des années et nos étudiants ont besoin de ces bourses. Nous pourrions faire des variations d'une province à l'autre, non pas sur le montant — on ne touche pas à cela — mais sur la façon de le faire.

Nous avions trouvé un système spécial pour le Québec, qui était traité comme toutes les autres provinces, mais pas nécessairement de la même façon.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, c'est exactement ce que le gouvernement fédéral a fait. Il a négocié divers accords avec chaque province. Les accords signés avec les provinces au sujet des bourses du millénaire ne sont pas identiques. Les sommes versées aux provinces le sont, mais pas les accords qui ont été signés.

Dans certains cas, cela a permis aux provinces de prendre de l'argent de leur enveloppe de financement au titre de l'éducation et de le remplacer par les sommes que le gouvernement fédéral leur a consenties. Cela signifie qu'à certains endroits, il n'y a pas eu le même nombre de bourses offertes. Dans l'optique du gouvernement fédéral, il y a toutefois eu équité par rapport aux sommes versées.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je trouve que c'est très bien, mais j'ai un peu plus d'ambition. Si nous nous rendons à 85 p. 100, pourquoi ne pas se rendre à 90 ou 95 p. 100? Faire des ententes qui peuvent différer d'une province à l'autre, c'est déjà un bon pas. Je suis d'accord et je m'en réjouis.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je n'ai absolument pas mentionné de pourcentage. Ce que j'ai dit, c'est que plus de 85 000 étudiants ont reçu des bourses du millénaire.

[Français]

Le sénateur Rivest: J'aurais préféré que les fonds du fédéral, en matière d'éducation, soient transférés directement aux provinces. Je comprends que le gouvernement du Québec a conclu une entente avec le gouvernement fédéral au sujet des bourses du millénaire.

L'endettement des étudiants québécois est le plus bas au Canada en raison du gel des frais de scolarité. La situation financière des étudiants n'est toutefois pas la priorité du gouvernement du Québec.

(1000)

C'est un problème important au Québec également, mais ce n'est pas la priorité. Les milieux de l'éducation au Québec se disent que si le gouvernement canadien a des fonds disponibles aux fins de l'éducation, qu'il les transfère aux gouvernements provinciaux, puisque l'éducation relève exclusivement de leur compétence. Les gouvernements provinciaux pourront affecter eux-mêmes ces fonds disponibles en fonction de leurs responsabilités générales et selon leurs priorités en matière d'éducation, ce qui inclut sans doute un programme d'aide et de soutien aux étudiants. C'est ainsi que le programme des bourses du millénaire a créé une difficulté d'application pour le Québec pour qui ce n'était pas une priorité contrairement à d'autres provinces ou régions canadiennes.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, à titre d'ex- enseignante, je pense que le Québec a fait un travail extraordinaire en faisant en sorte que ses frais de scolarité universitaire restent les plus bas au Canada. Cela a permis une plus grande accessibilité à l'éducation pour les jeunes de cette province.

Toutefois, la situation n'est pas la même partout au Canada. Il est arrivé dans le passé — pas au Québec, je tiens à le préciser — qu'à la suite du transfert de fonds fédéraux aux termes d'accords signés avec les provinces, certaines d'entre elles cessent complètement de participer au financement du secteur de l'éducation, notamment de l'enseignement postsecondaire.

Je pense pouvoir dire que les jeunes Canadiens tiennent à ce que, lorsque des fonds sont accordés au titre de l'éducation, ils soient dépensés à cette fin. À mon avis, il faudra tenir, avec les provinces, un débat intéressant là-dessus prochainement. Maintenant que nous avons séparé des transferts aux provinces la portion concernant la santé, je pense que nous devrons maintenant nous interroger sur l'opportunité de séparer la partie destinée à l'éducation, afin de garantir le même genre d'obligation de rendre compte.


ORDRE DU JOUR

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Wilfred P. Moore propose: Que le projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (ressources naturelles), soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de parler aujourd'hui, en troisième lecture, du projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu eu égard au régime d'imposition applicable au secteur des ressources naturelles. Ce projet de loi propose des modifications au régime fiscal fédéral touchant les industries minières, pétrolières et gazières au Canada. Après une vaste consultation de tous les secteurs de l'industrie des ressources, le gouvernement, dans son budget du 18 février 2003, a annoncé son intention de modifier la structure fiscale applicable à cette industrie. Cette annonce a été suivie de la diffusion, en mars, d'un document technique soumis à l'examen public. Vint ensuite une série de consultations menées auprès de divers groupes intéressés de cette industrie au Canada.

Le gouvernement a aussi annoncé dans son budget de 2003 d'autres mesures complémentaires ayant une incidence sur ce secteur. Plusieurs d'entre elles figuraient dans le projet de loi C-28, Loi d'exécution du budget de 2003, dont on a discuté plus tôt cette année. Notons, par exemple, l'élimination graduelle, sur une période de cinq ans, de l'impôt fédéral sur le capital, la hausse, de 200 000 $ à 300 000 $, du revenu annuel admissible au taux d'imposition fédéral des petites entreprises, ainsi que la prolongation, jusqu'à la fin de l'année 2004, du crédit d'impôt temporaire de 15 p. 100 applicable aux frais d'exploration minière.

Le projet de loi à l'étude aujourd'hui permettra au secteur des ressources de jouir d'un nouveau régime d'imposition. Les mesures proposées attestent de l'importance accordée par le gouvernement à ce secteur. En 2001, par exemple, ce dernier représentait près de 4 p. 100 du PIB du Canada. Ajoutons que plus de 170 000 Canadiens travaillent actuellement dans le domaine de l'exploitation des ressources. Les nouvelles mesures rendent compte également de la foi indéfectible du gouvernement dans un régime fiscal des sociétés efficient et concurrentiel.

Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant vous donner un bref aperçu des principaux éléments du projet de loi C-48.

La première mesure fait en sorte que les entreprises du secteur des ressources naturelles seront assujetties au même taux d'imposition prévu par la loi que les entreprises des autres secteurs. Lorsque le gouvernement a ramené le taux général d'impôt des sociétés de 28 p. 100 à 21 p. 100 dans le cadre du plan de réduction sur cinq ans, le taux réduit ne s'appliquait pas au revenu tiré des ressources. Maintenant, grâce au projet de loi C-48, le taux d'imposition fédéral sur le revenu que les sociétés tirent d'activités liées aux ressources sera ramené de 28 à 21 p. 100 d'ici 2007. Le taux prévu dans la loi constitue souvent le premier renseignement dont prennent connaissance les investisseurs éventuels. Si le Canada veut montrer clairement sa compétitivité aux investisseurs, il doit absolument instaurer ce taux réduit uniforme.

Une deuxième mesure concerne la déduction de 25 p. 100 relative à des ressources, qui a été instaurée en 1976 dans le but premier de protéger l'assiette fiscale fédérale contre la hausse rapide, à l'époque, des redevances et des impôts miniers. Bien que cette mesure plafonne effectivement les déductions, elle fausse souvent les signaux économiques. Dans certains cas, la déduction relative à des ressources peut nuire aux investissements dans les ressources plus précieuses, pour lesquelles les redevances sont susceptibles d'être plus élevées. Dans d'autres cas, elle donne lieu à une déduction plus élevée que les redevances et les impôts miniers payés. La complexité du calcul de la déduction relative à des ressources a également entraîné des coûts d'observation considérables pour l'industrie et des coûts d'administration importants pour le gouvernement.

Comme mes collègues le savent, les conditions économiques ont beaucoup changé depuis les années 1970. De nos jours, on insiste davantage pour que les producteurs soient efficaces et que les différentes administrations lèvent des redevances à taux compétitifs. Ainsi, le projet de loi C-48 élimine la déduction relative à des ressources et prévoit une déduction pour le montant réel des redevances provinciales, des redevances à la Couronne et des impôts miniers payés. En 2007, une fois que ces mesures seront entièrement en vigueur, elles uniformiseront les règles du jeu et mettront tous les projets sur un pied d'égalité. Les sociétés auront droit à une déduction pour les redevances payées, que ce soit à la Couronne ou à d'autres titulaires de droits.

Ces mesures ne changent rien au traitement des redevances payées aux Premières nations et à d'autres propriétaires privés de ressources, qui continueront d'être déductibles. Le traitement uniforme de toutes les redevances réduira les distorsions en éliminant tout avantage fiscal dont peuvent bénéficier les sociétés qui paient des redevances à des propriétaires fonciers autres que la Couronne.

(1010)

Honorables sénateurs, les deux mesures que je viens de décrire feront en sorte que le taux de l'impôt fédéral des sociétés sera le même pour les revenus provenant de ressources et pour les revenus des autres secteurs et elles harmoniseront le traitement des dépenses engagées pour les projets d'exploitation de ressources et dans le secteur des ressources à celui réservé aux dépenses dans tous les autres secteurs de l'économie.

Une troisième mesure du projet de loi C-48 instaure un nouveau crédit d'impôt de 10 p. 100 au titre des frais d'exploration minière admissibles et des dépenses d'exploration préalable encourues avant que la mine n'atteigne l'étape de production en quantités commerciales raisonnables.

Honorables sénateurs, certaines personnes se sont demandé si les mesures décrites dans ce projet de loi étaient compatibles avec l'engagement pris par le Canada, dans le cadre de l'accord de Kyoto, à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elles le sont entièrement. Le taux d'imposition uniforme et le traitement plus cohérent des coûts permettront de faire en sorte que les fonds soient affectés en tenant compte plus logiquement des facteurs économiques sous-jacents. Dans la mise en oeuvre par le Canada de l'accord de Kyoto, le secteur minier et l'industrie pétrolière et gazière devront faire leur large part, dans le cadre du programme visant les gros émetteurs industriels, en vue d'une réduction des émissions fixée à 55 mégatonnes. Les initiatives en matière d'énergie renouvelable sont également un élément essentiel dans la réponse du gouvernement à l'accord de Kyoto. Le budget de 2003, par exemple, affecte deux milliards de dollars supplémentaires sur cinq ans au soutien des technologies des énergies renouvelables qui aident à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce budget favorise par ailleurs le soutien de l'énergie renouvelable par l'entremise de mesures fiscales, d'une exemption de la taxe d'accise pour certains combustibles de remplacement et d'une disposition prévoyant l'amortissement accéléré, aux fins de l'impôt, pour d'autres types d'énergie renouvelable et les appareils éconergiques.

Le projet de loi C-48 comprend également une mesure qui améliorera le traitement des investissements dans les projets liés aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique. Les entreprises pourront renoncer aux frais liés aux énergies renouvelables et à l'économie d'énergie au Canada en faveur d'un investisseur qui acquiert des actions accréditives dans une année, lorsque les frais liés aux énergies renouvelables et à l'économie d'énergie seront engagés dans l'année suivante. Cette mesure permettra de choisir avec davantage de souplesse le moment des investissements financés au moyen d'actions accréditives. Le traitement des investissements en actions accréditives dans ces projets sera maintenant parallèle à celui d'investissements similaires dans des projets portant sur des énergies non renouvelables.

Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà indiqué, ce nouvel ensemble de mesures résulte de consultations approfondies auprès de toutes les parties du secteur des ressources naturelles. Dans l'ensemble, les changements seront positifs à la fois pour le secteur minier et pour le secteur pétrolier et gazier. Prises ensemble, ces mesures réduiront substantiellement les taux d'imposition réels applicables à ces deux secteurs. Dans le cas du pétrole et du gaz, ce changement corrige l'actuel désavantage par rapport aux États-Unis d'Amérique. Pour ce qui est de l'exploitation minière, il renforce un avantage existant. Dans les deux cas, les changements rehausseront nettement la capacité du secteur canadien des ressources naturelles d'attirer des capitaux à des fins de prospection et de mise en valeur.

Pour résumer, honorables sénateurs, je dirai que ce nouveau régime atteint les trois buts fixés par le gouvernement dans le cadre de sa démarche d'établissement d'une structure fiscale pour le secteur des ressources naturelles. Premièrement, le régime fiscal sera compétitif à l'échelle internationale, particulièrement en Amérique du Nord. Deuxièmement, le nouveau régime sera transparent pour les entreprises et les investisseurs. Troisièmement, le nouveau régime favorisera la répartition efficace de l'investissement, aussi bien dans le secteur des ressources naturelles que parmi tous les secteurs de l'économie canadienne. Ces changements entrent en vigueur rétrospectivement en janvier 2003 et ils profiteront d'un avantage fiscal canadien pour soutenir l'investissement, l'innovation, la productivité, la croissance économique et l'emploi pour les Canadiens.

En conclusion, je remercie tous les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, particulièrement le sénateur Kelleher, pour leur analyse du projet de loi à l'étude et pour leur reconnaissance des avantages qu'il présente pour notre secteurs des ressources naturelles. J'encourage tous les honorables sénateurs à donner leur appui au projet de loi C-48.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Moore de son exposé éclairant. Nous appuyons l'orientation générale du projet de loi. Nos collègues ont bien approfondi diverses questions au sein du comité. Comme on l'a dit, les membres du comité ont appuyé la réduction du fardeau fiscal applicable au secteur des ressources naturelles.

Il est important de signaler que les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada perçoivent presque six milliards de dollars chaque année en taxes et droits du secteur pétrolier et gazier, ce à quoi il faut ajouter plusieurs centaines de millions de dollars prélevés sur le secteur minier. Ces secteurs contribuent énormément au Trésor et au financement des programmes sociaux et d'autres offerts par les gouvernements. De bien des façons, nous devons beaucoup à ces secteurs importants de notre économie.

Je voudrais simplement signaler certains aspects du processus ayant mené à ce changement, qui ont soulevé des questions.

Durant les audiences du Comité des banques, nous avons entendu les témoignages de représentants des Canadiens autochtones, surtout dans l'ouest du pays, qui ont fait part de leurs préoccupations relativement à ce changement dans le traitement fiscal. Il semble que l'un des effets secondaires de cette mesure législative, qui cherche à réduire le taux d'imposition des sociétés tout en éliminant la déduction relative à des ressources, sera de rendre moins avantageuse qu'auparavant l'extraction de ressources sur les réserves.

Même si cet effet sur les Premières nations n'est manifestement pas le premier objectif du nouveau régime fiscal, il semble que cela pourrait être un des effets ou des résultats non intentionnels. Manifestement, nous pouvons discuter quant à savoir si les intéressés perdent un avantage ou si les modifications vont simplement faire en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Nous pouvons nous demander si cela devrait importer, mais nous mettrons cela de côté. Je voudrais plutôt faire un petit peu la lumière sur le processus qui a conduit au renvoi du projet de loi au Sénat, où nous l'étudions maintenant en troisième lecture, après l'importante étude effectuée par notre comité.

Au comité, nos collègues ont entendu le témoignage de M. Roy Fox, président du Conseil des ressources indiennes du Canada, et de Mme Marilyn Buffalo, représentant la nation crie de Samson. Tous deux se sont attardés sur l'incapacité du gouvernement de les consulter ou même de leur signaler que ce projet de loi était à l'étude.

Le comité a appris que ces personnes avaient écrit au ministre des Finances en juin dernier et que ce dernier ne leur avait pas répondu. Nous avons compris qu'ils avaient demandé à comparaître devant le Comité des finances à l'autre endroit et que, là encore, ils n'avaient pu être entendus.

M. Fox a dit à notre comité:

Nous avions demandé de participer au processus de la Chambre des communes, monsieur le président, mais nous n'avons pas été autorisés à nous adresser à ce comité permanent lorsqu'il interrogeait des témoins.

Le sénateur Tkachuk a demandé alors:

Pour préciser, vous avez adressé une lettre au président, pour demander à comparaître, et on vous a répondu que vous ne pouviez pas témoigner?

(1020)

Selon le compte rendu de notre comité, M. Fox a répondu ce qui suit:

On nous a dit que c'était trop tard. Nous avions pourtant pris contact avec ces bureaux bien avant — après la deuxième lecture.

Le comité a aussi appris que ces témoins avaient transmis une lettre au ministre des Finances en juin pour lui faire part de leurs préoccupations. Selon le compte rendu du Comité des banques, M. Fox a déclaré ce qui suit à nos collègues:

Bien qu'il semble y avoir eu de larges consultations auprès de l'industrie des ressources naturelles, notamment de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, au sujet des amendements proposés, il n'y a eu aucune consultation des parties qui seront le plus directement touchées, les Premières nations.

Le CRI...

— c'est-à-dire le Conseil des ressources indiennes —

...a écrit au ministre des Finances le 17 juin 2003 pour exprimer nos préoccupations au sujet du projet de loi C-48, notamment de ses dispositions concernant la déduction relative aux ressources, et pour demander un report du projet de loi afin que les Premières nations puissent être pleinement consultées. Bien que notre lettre n'ait fait l'objet d'aucune réponse, nous croyons comprendre qu'elle a été distribuée aux membres des comités concernés de la Chambre des communes et du Sénat.

Plus tard, lorsqu'on lui a demandé si le Conseil avait cherché à assurer le suivi de cette lettre, M. Fox a répondu ce qui suit à nos collègues du Comité des banques:

Suite à la lettre, nous avons téléphoné et envoyé des courriels. Nous avons eu des réponses par courriel mais aucune qui porte précisément sur cette lettre.

M. Fox a ensuite expliqué à notre comité que cette mesure législative aurait sur les Premières nations les répercussions suivantes:

Historiquement, les sociétés exploitant les terres indiennes ont pu déduire de leur revenu la déduction de 25 p. 100 relative aux ressources, ainsi que les redevances versées aux Premières nations. Les redevances versées au titre des terres des provinces n'étaient pas déductibles du revenu. Cela veut dire que l'industrie a pu obtenir un rendement après impôt plus élevé sur les terres indiennes que sur les terres provinciales, et elle s'est servie de ce rendement après impôt plus élevé pour compenser les coûts supplémentaires de l'exploitation pétrolière sur les terres indiennes. Cette exploitation coûte plus cher qu'ailleurs parce qu'il faut négocier des avantages économiques et sociaux avec les Premières nations, collaborer avec les Premières nations à des projets de formation professionnelle et d'emploi, et contribuer au développement économique et social des collectivités. Autrement dit, l'allocation relative aux ressources et la déductibilité des redevances ont offert à l'industrie un incitatif additionnel pour qu'elle vienne exploiter le pétrole des terres indiennes.

On a aussi souligné que l'affaire Victor Buffalo, qui est devant les tribunaux à Calgary, pourrait influer sur cette mesure législative, étant donné que certains des points en litige ont trait au pétrole et au gaz.

Honorables sénateurs, notre Comité des banques, et c'est tout à son honneur, a été la première et la seule institution du gouvernement à écouter cette communauté ou ces personnes. Je crois qu'il est important de le souligner et de l'inscrire au compte rendu parce que cela prouve que, encore une fois, lors de l'étude d'un projet de loi, nous offrons aux Canadien qui s'intéressent aux lois une possibilité qu'ils n'auraient peut-être pas eue lors d'une révision précédente, comme c'est le cas ici. Ces personnes ont eu l'impression, lorsqu'elles ont témoigné à cet effet qu'elles n'avaient pas obtenu de réponse du gouvernement. Le comité de l'autre endroit ne leur a pas donné cette possibilité, mais elles l'ont eu au Sénat, et je salue mes collègues qui siègent au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Après avoir pesé le pour et le contre d'un retard, nous ne leur avons peut-être pas donné les résultats qu'elles souhaitaient, mais nous leur avons au moins permis de s'exprimer, grâce à nos collègues du Comité sénatorial des banques. Les sénateurs ont demandé à entendre de nouveau les représentants du gouvernement afin d'obtenir des explications complémentaires. Au moins, le témoignage des Premières nations devant le Comité sénatorial des banques, et les préoccupations exprimées par certains membres du comité, aura reçu une oreille attentive.

Je comprends que le ministre et ses collaborateurs croyaient que le projet de loi serait étudié en une seule séance et non deux. Il semblerait que certaines personnes du ministère des Finances ont manifesté de la nervosité, m'a-t-on dit, à la fin de la première séance du Comité des banques. Elles étaient nerveuses, à n'en pas douter, non seulement en raison du témoignage, mais aussi en raison de la gêne évidente de certains membres du comité.

Je souligne que quelques jours après la réunion du comité, le ministre des Finances a soudainement répondu à cette lettre du mois de juin. Les mois de juin, juillet, août, septembre et octobre s'étaient déjà écoulés sans réponse, mais lorsque la question a été soulevée devant le comité, le ministre a répondu. Je dis bravo aux membres du Comité des banques et du commerce.

Je signale également que, dans sa lettre, le ministre expose les motifs du changement de politique, fait mention du vigoureux appui de l'industrie, indique qu'il apprécie l'intérêt manifesté et déclare qu'il a donné instructions à ses fonctionnaires d'entamer des discussions avec le Conseil des ressources indiennes du Canada, dès que cela leur conviendra. De toute évidence, pour les gens des Premières nations qui sont sérieusement préoccupés, il n'y aura plus de marge de manœuvre une fois que la mesure législative aura force de loi. Par conséquent, il aurait fallu tenir ces discussions avant de présenter le projet de loi.

Permettez-moi de conclure en disant que c'est un bon exemple où la seconde Chambre a joué un rôle vraiment satisfaisant — les intervenants qui n'avaient pas eu la possibilité d'être entendus, ont maintenant eu l'occasion de s'exprimer. Nous adoptons de meilleures mesures législatives parce que notre système est bicaméral.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je me demande si l'honorable sénateur Kinsella accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Kinsella: Oui.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, je n'ai pas examiné suffisamment cette mesure législative pour déterminer clairement si elle aurait une incidence sur les Premières nations. Néanmoins, d'après l'argument que le sénateur Kinsella a avancé, je suis porté à croire que non seulement ces intervenants n'ont pas été informés, mais il semble aussi qu'on les ait empêchés d'entrer pour faire valoir leur point de vue devant le comité. Est-ce bien ce que vous avez dit, sénateur Kinsella?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je dis que lors de l'élaboration de cette mesure législative d'initiative ministérielle, une collectivité qui a des préoccupations à l'égard d'un secteur économique particulier a tenté d'ouvrir le dialogue avec le ministère, mais que celui-ci l'a ignorée. Un projet de loi a été présenté et étudié dans l'autre Chambre et a été renvoyé à un comité de cet autre endroit. La collectivité visée, qui a une série de préoccupations fondées, précisément à l'égard de la question traitée dans le projet de loi, a demandé à être entendue, mais l'autre endroit n'a pas accédé à sa demande.

La bonne nouvelle c'est que, du fait que nous avons une Chambre haute qui étudie les mesures législatives et qui suit les trois étapes du processus législatif, dont l'étude en comité, nous nous sommes penchés sur cette lacune et avons fourni à ces importants témoins l'occasion d'exprimer leur point de vue. Je crois que le projet de loi devrait être adopté à l'étape de la troisième lecture.

(1030)

Je veux signaler, cependant, que les honorables sénateurs du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ont fait ce qu'il fallait faire. Nous devrions toujours apprendre de ce que nous faisons. J'espère que, dans l'avenir, dès qu'on nous présentera un projet de loi, il y aura le genre de consultation devenue de plus en plus la façon de diriger les affaires publiques au Canada, particulièrement celles qui concernent les Premières nations. En matière de processus législatif, je crois que les honorables sénateurs nous ont donné un bon exemple.

[Français]

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, j'aimerais également féliciter les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce d'avoir eu cette sensibilité et ce respect envers les représentants des Premières nations, ainsi que tous les autres sénateurs qui ont pris conscience de la situation des Autochtones. Les membres de cette Chambre sont de plus en plus conscientisés par la situation des Premières nations et les respectent davantage.

Il y eu des oublis depuis l'arrivée des Européens jusqu'à maintenant. Toutefois, des efforts particuliers sont faits en cette Chambre pour rattraper le temps perdu. Il faut s'en féliciter et féliciter plus particulièrement ceux qui se sont impliqués personnellement.

Un travail de conscientisation devrait être amorcé à l'autre Chambre. Malheureusement, l'absence de conscientisation de l'autre endroit fait en sorte que la plupart des projets de loi concernant les Autochtones sont toujours contestés devant les tribunaux. Quelqu'un ne fait pas son travail.

Nos communautés ont besoin d'infrastructures. Si des restrictions sont imposées et des embûches créées sur le peu d'activités économiques des communautés autochtones, où voulez-vous qu'elles aillent si elles veulent se sortir un jour du pétrin dans lequel elles se trouvent? Il est temps d'élargir les possibilités pour les Autochtones dans le développement économique.

Je tiens, encore une fois, à remercier les honorables sénateurs de leur gentillesse et de leur respect envers les droits autochtones.

[Traduction]

Le sénateur Moore: Honorables sénateurs, je veux signaler un certain nombre de faits en rapport avec l'intervention du sénateur Kinsella et les préoccupations formulées par les sénateurs Watt et Gill.

Relativement à la demande de comparaître devant le comité de l'autre endroit, on nous a dit, le mercredi 5 novembre, lors des audiences du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, que la demande avait été formulée après la fin de ces audiences. Il est inexact que les audiences étaient en cours lorsqu'ils ont demandé à être entendus et qu'on leur a opposé un refus. Ils ont présenté une demande; c'est ce que nous avons appris dans les témoignages entendus mercredi dernier.

Pour ce qui est du processus de consultation, le ministère a tenu une série de rencontres publiques à travers le pays avec toutes les parties intéressées — Autochtones ou non. Je suis passablement convaincu que le Conseil des ressources indiennes du Canada était au courant, puisque, le 8 octobre 2003, nous avons entendu dans les témoignages qu'il avait adopté une résolution pour faire une intervention au Comité des banques.

Je vais apporter une clarification. Cette question relative aux territoires autochtones a attiré l'attention des sénateurs. Je ne voudrais pas que le projet de loi C-48 soit vu comme visant les territoires autochtones qui pourraient regorger de ressources valables. Le projet de loi vise tous les propriétaires fonciers, qu'ils soient Autochtones ou non. La semaine dernière, le comité a entendu l'avocat-conseil du ministère des Finances au sujet de l'affaire Victor Buffalo. Mme Levonian a dit au comité que le projet de loi C-48 ne touchait pas cette affaire.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'étais présent à la réunion présidée par le sénateur Kroft. J'accepte les remerciements du sénateur Gill, «la gentillesse», mais je voudrais fournir quelques explications.

Les représentants du CRI voulaient être entendus par le comité de la Chambre des communes. Le sénateur Moore a dit qu'ils avaient présenté leur demande trop tard. Ils étaient mécontents et ils ont montré leur mécontentement. Je crois bien avoir été présent à ces deux réunions et je me rappelle certains faits concernant une lettre du Conseil des ressources indiennes adressée à M. Manley le 17 juin 2003, lettre qui est restée sans réponse.

Après que M. Roy Fox, président du CRI, eut témoigné lors de la réunion présidée par le sénateur Kroft le 7 novembre, le groupe a enfin reçu une réponse à sa lettre. En fait, il a reçu deux lettres: une datée du 3 novembre et une datée du 4 novembre. Il a fallu tout ce temps au ministre avant d'accuser réception de la lettre qui lui avait été adressée le 17 juin.

J'ai siégé à l'autre endroit sous les règnes de M. Pearson et de M. Trudeau. À l'époque, si quelqu'un s'était levé lors d'un caucus pour dire qu'il avait écrit au ministre le 17 juin et qu'il n'avait pas encore eu de réponse le 3 novembre, le premier ministre aurait dit: «Je suis certain que vous recevrez une réponse cet après-midi», et la réponse aurait effectivement suivi.

Je ne comprends pas ce qui s'est passé entre le 17 juin et le 3 novembre. Je le répète, lorsqu'on attaque un problème de front, il est probable qu'on limite les dégâts dès le début. Si on sait que le mécontentement grandira, il faut l'attaquer de front dès le début.

Les témoins du Conseil des ressources indiennes étaient mécontents, mais au moins ils ont été entendus par les sénateurs au sein du Comité des banques. Je presse les sénateurs, surtout les nouveaux, de ne pas oublier que les gens ne s'attendent pas à gagner tout le temps. Ce qui est frustrant, c'est de ne pas pouvoir se faire entendre.

(1040)

Je remercie le président, les honorables sénateurs Moore et Tkachuk et tous les membres du comité qui ont donné à ces gens la chance de se faire entendre. Ces personnes ne sont pas entièrement satisfaites. Elles croient encore qu'il y a des choses qui ne sont pas correctes, mais ces choses, comme l'a indiqué notre président, pourraient toujours être corrigées à l'avenir.

Je le regarde et je ne crois pas avoir mal interprété les événements. Si on a mal agi à l'égard de certaines personnes, on pourra plus tard s'amender. C'est la meilleure réponse que le comité sénatorial puisse donner pour obtenir une approbation rapide.

Je répète que les Canadiens ne s'attendent pas à gagner toujours sur tous les fronts. Cependant, ils sont extrêmement frustrés quand on fait fi de leur opinion, surtout les Premières nations, qui sont plus sensibles. Je vous dirai franchement que les représentants autochtones ont touché un point sensible chez bien des parlementaires, mais il faut nous montrer plus patients et plus compréhensifs à leur égard.

Honorables sénateurs, j'ai été heureux de siéger à ce comité. Il m'a fait plaisir d'entendre le sénateur Gill dire que les Premières nations avaient au moins été entendues par le Sénat. C'est précisément pour cette raison que le Sénat existe. Nous allons devoir expliquer de plus en plus souvent aux Canadiens que l'autre endroit a tendance à aller très vite.

Hier soir, dans la salle à manger, j'ai rencontré un de nos éminents ministres. Il se plaisait à dire à qui voulait l'entendre qu'il avait envoyé 17 projets de loi au Sénat au cours des quelques dernières semaines. Un jour, cela lui retombera sur le nez. Nous devons trouver quelqu'un pouvant s'exprimer en français ou en anglais qui irait expliquer le fonctionnement du système à la télévision. Le ministre nous a envoyé 17 projets de loi à la dernière minute et il s'attend à ce qu'ils soient tous adoptés?

L'Assemblée nationale à Québec agit de la même manière. Elle attend le 20 décembre pour traiter de certaines questions et fait siéger les députés toute la nuit. L'esprit, dans les deux sens du terme, est bien là. Des projets de loi sont adoptés et d'autres sont rejetés sans qu'on prenne tout le temps voulu pour les étudier. C'est une situation frustrante pour les gens qui ne peuvent pas exprimer leur point de vue.

Le Sénat a bien joué son rôle, même si les Autochtones ne sont pas entièrement satisfaits. La question demeure controversée. Les gens sont en colère contre le ministre Nault. On n'a pas répondu à leurs lettres. C'est incroyable. Si nous faisions cela, même si notre personnel est limité, nous nous ferions critiquer.

Je ne réponds pas aux gens par écrit. J'appelle. C'est plus facile, plus rapide et plus précis.

Honorables sénateurs, je vais voter pour ce projet de loi dès que le président se lèvera pour prendre la parole. Je vois qu'il s'apprête à le faire et se demande quand je vais me taire pour qu'il puisse proposer l'adoption du projet de loi. Il est trop gentilhomme pour le dire, mais je sens que cela pourrait venir bientôt.

Je suis heureux d'avoir participé à cette étude et d'avoir donné à ces gens la chance de se faire entendre.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer? Voici la motion.

L'honorable sénateur Moore, appuyé par l'honorable sénateur Kroft, propose que le projet de loi soit lu une troisième fois maintenant.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

MOTION D'APPROBATION DE LA NOMINATION—RENVOI AU COMITÉ PLÉNIER

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement), conformément à l'avis du 6 novembre 2003, propose:

Que, conformément au paragraphe 53(1) de la Loi visant à compléter la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels et de droit d'accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent, chapitre P- 21 des Lois révisées du Canada (1985), le Sénat approuve la nomination de Jennifer Stoddart de Westmount (Québec), à titre de commissaire à la protection de la vie privée pour un mandat de sept ans.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il y a une erreur dans l'adresse. C'est Jennifer Stoddart de Montréal, au Québec.

Son Honneur le Président: Je considère qu'il s'agit d'un rappel au Règlement. Ma réponse, en ma qualité de Président de séance, est qu'en vertu de sa nature, il s'agit d'une erreur à traiter en comité. Je crois comprendre que cette question sera renvoyée au comité.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, Mme Stoddart a été nommée pour succéder à M. Robert Marleau, dont le mandat à titre de commissaire à la protection de la vie privée arrive à échéance le 1er janvier 2004. Le commissaire à la protection de la vie privée est un haut fonctionnaire du Parlement qui surveille la collecte, l'utilisation et la divulgation, par le gouvernement fédéral, de renseignements personnels sur ses employés et ses clients, ainsi que la façon dont il traite les demandes de citoyens désireux de consulter leur dossier.

Le commissaire a de vastes pouvoirs lui permettant d'enquêter sur les plaintes reçues de citoyens, aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Le commissaire à la protection de la vie privée est mandaté, notamment, pour enquêter sur les plaintes, pour mener des vérifications en vertu de deux lois fédérales, pour publier de l'information sur les méthodes de traitement des renseignements personnels dans le secteur public et privé, pour mener des recherches sur des questions liées à la protection de la vie privée et pour promouvoir la sensibilisation des Canadiens aux questions concernant la protection de la vie privée ainsi que leur compréhension de ces questions.

Mme Stoddart est actuellement présidente de la Commission d'accès à l'information du Québec, un poste qu'elle occupe depuis juillet 2000. Elle a aussi occupé des postes assortis d'énormes responsabilités au gouvernement fédéral et au gouvernement du Québec. Avant d'assumer ses fonctions gouvernementales actuelles, elle a été vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.

(1050)

En résumé, Mme Stoddart a une excellente réputation pour ce qui est de concilier différents points de vue, de prendre des décisions et d'établir des orientations futures. Je pense que son apport sera marquant et qu'elle poursuivra l'important travail amorcé par M. Marleau et le gouvernement afin de rebâtir le Commissariat à la protection de la vie privée. Je pense que tous les honorables sénateurs se joindront à moi pour appuyer la nomination proposée.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je tiens à dire que je n'apprécie pas la façon dont le gouvernement mène ses travaux. On nous a avisés à la dernière minute, hier soir, nous avons autorisé un avis de motion, et maintenant on nous presse de porter un jugement sur la candidate. La question n'est pas de savoir si elle est qualifiée. Le problème, c'est qu'on nous presse de prendre une décision. Pourquoi faudrait-il que cela se fasse un vendredi, ou même la semaine prochaine? Pourquoi ne nous fait-on pas savoir que le calendrier a été changé? Tant que cela ne sera pas fait, je continuerai de protester contre le déroulement des travaux dans cette enceinte.

Cela étant dit, le Sénat se constitue habituellement en comité plénier pour recevoir les hauts fonctionnaires du Parlement ou pour avoir un échange avec eux, et j'espère que l'on pourra le faire. Mais, avant que cela ait lieu, peut-être pourrions-nous obtenir des renseignements écrits sur la candidate. Nous ne disposons pour l'instant que d'un nom et d'une présentation sommaire que nous a faite le leader du gouvernement. Nous devons avoir quelque chose de concret à examiner, et, en ce moment, nous procédons trop hâtivement. Je ne comprends pas qu'il en aille ainsi, et j'aimerais que l'on dise enfin la vérité.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le gouvernement souhaite effectivement que nous nous constituions en comité plénier. J'ai demandé que l'on nous fournisse plus de renseignements sur Mme Stoddart, et j'espère être en mesure de les communiquer rapidement aux honorables sénateurs. Il me semblerait opportun de ne pas nous constituer en comité plénier avant d'en avoir terminé avec la sanction royale, cet après-midi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je m'attends à ce que le minimum d'information que nous recevrons comprenne la loi qui encadre son travail. Il s'agit d'un poste qui, malheureusement, a été terriblement éclaboussé et mis à mal, et le moral du service est au plus bas. La candidate proposée doit faire plus que protéger la vie privée. Elle doit aussi montrer qu'elle a les compétences administratives pour redonner au commissariat le degré d'efficacité que, hélas, les quelques derniers mois lui ont fait perdre.

Je tiens à rendre hommage à M. Marleau pour tous ses efforts. Nous avons envers lui une lourde dette de gratitude.

Le sénateur Carstairs: Je remercie l'honorable sénateur de ses observations. Je vais demander pour tous les sénateurs le texte de la loi dans le cadre de laquelle la commissaire éventuelle devra remplir ses fonctions et assumer ses responsabilités.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais faire valoir mes objections à ce processus. Nous nous engagerons dans une démarche identique à celle qui a abouti à la nomination de M. Radwanski. Comme le premier ministre a dit que la nomination était de notre ressort et qu'il ne faisait que formuler une recommandation, et malgré les excellents titres de compétence de la candidate et le soutien qu'elle devrait recevoir de notre part, le processus laisse tellement à désirer que je ne crois pas que nous nous acquitterions de notre devoir en conservant le même processus qui nous amène à accepter un candidat après une brève séance du comité plénier et après avoir observé le candidat, s'il comparaît.

Il est temps de revoir nos méthodes et de faire notre travail correctement. Nous sommes aussi responsables que n'importe qui de ce qui a mal tourné dans l'affaire Radwanski. Comme je l'ai dit, parce que le premier ministre a recommandé M. Radwanski et que celui-ci s'est recommandé à nous en disant qu'il s'acquitterait de ses fonctions avec efficacité et pratiquerait une bonne gestion, sans autre preuve à l'appui, nous avons accepté la proposition du premier ministre. De nos jours, cela ne suffit pas. Pour ma part, je ne crois pas acceptable de nommer quelqu'un de cette manière.

Au mieux, je m'abstiendrai, à moins que je ne m'oppose carrément au processus.

Le sénateur Prud'homme: Les honorables sénateurs se rappelleront que, lorsque M. Radwanski a comparu au Sénat, ce que j'ai fait a été très gênant, mais il m'a semblé que c'était mon devoir. Ces approbations automatiques qu'on attend du Sénat ne me plaisent pas. Malgré tout mon respect pour le processus, j'ai exigé et obtenu un vote.

Je n'aime pas m'acharner sur quelqu'un qui est déjà au plancher; je suis un meilleur bagarreur que cela. Donc, je n'ajouterai rien de plus, si ce n'est pour préciser que les faits ont prouvé que j'avais raison. Le vote a eu lieu, cependant, et de nombreux sénateurs étaient tellement irrités par les propos de certains autres qu'ils ont jugé bon de sortir. Plus de 40 ont dit oui, mais 11 ont dit non, et le groupe comprenait des libéraux, des conservateurs et des indépendants. Étant donné que M. Marleau ne voulait pas d'un renouvellement à titre intérimaire, j'aurais été beaucoup plus à l'aise si l'on nous avait offert un commissaire par intérim jusqu'à ce que nous ayons eu le temps de franchir le même processus que dans le cas de M. Radwanski.

Madame le sénateur Carstairs peut-elle nous dire si cette motion a été présentée de la même manière à l'autre endroit? A-t-elle fait l'objet d'une discussion et été transmise au comité plénier ou à un comité spécial, ou a-t-elle tout simplement été entérinée d'office par le gouvernement qui a ensuite dit qu'il était heureux d'annoncer que nous comptions désormais un nouveau commissaire pour une période de sept ans sans même qu'il y ait eu d'examen approfondi? Cette motion nous a été transmise vers minuit hier soir. Le sénateur Robichaud nous a appris aujourd'hui qu'elle figurerait au Feuilleton. Si vous vous reportez à l'ordre du jour, il s'agit du no 3 sous la rubrique «Motions».

Je ne sais pas de combien de temps nous disposerons pour discuter de la question soulevée par l'honorable sénateur Andreychuk. Quant à l'honorable sénateur Kinsella, il a demandé que ce haut fonctionnaire se présente ici, comme nous avons vu à ce que ce soit le cas pour M. Phillips, deux fois si je me rappelle bien, et pour M. Radwanski. Je souligne pour une deuxième fois aujourd'hui que c'est là le Sénat à son meilleur. Ce n'est pas comme à la Chambre des communes, où les députés sont informés et applaudissent, puis c'est tout. S'ils avaient accompli leur travail il y a un certain temps, nous n'aurions pas été mêlés à ce malheureux incident nous obligeant à forcer la tenue d'un vote ici — c'est un précédent — et à constater finalement les conséquences pour tout le monde, y compris M. Radwanski lui-même. Maintenant qu'il est au tapis, je ne m'acharnerai pas sur lui.

Nous ne savons pas si nous allons ajourner. Nous sommes comme une bande d'enfants auxquels ont dit que, s'ils se comportent bien, ils pourront rentrer chez eux. Est-il possible de savoir si ce processus se déroulera ici? J'aimerais qu'il y ait une certaine consultation de ce haut fonctionnaire. Je vois qu'il y a maintenant un échange de documents.

J'aimerais que le sénateur Robichaud ou le sénateur Carstairs nous dise quel a été le processus adopté dans l'autre Chambre. Y a- t-il eu un débat à la Chambre, une étude en comité, ou tout simplement une annonce?

Le sénateur Carstairs: Si vous me posez une question, je m'en remets à la présidence.

(1100)

Pour ce qui est de la Chambre des communes, Mme Stoddart a comparu devant le Comité des opérations gouvernementales. Ce nouveau comité est celui qui a étudié la demande de M. Radwanski. Il a accueilli Mme Stoddart plus tôt cette semaine et a recommandé à la Chambre des communes d'accepter sa candidature. Les députés ont voté à ce sujet, hier, et c'est pourquoi je n'ai pas pu vous en aviser auparavant. Les députés doivent donner leur approbation avant que nous ne puissions donner la nôtre.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, est-il vrai que la Chambre des communes a établi un processus afin d'analyser la demande, de comparer les compétences de la candidate aux exigences du poste et de formuler une recommandation au Sénat? Aurons-nous des preuves que la Chambre des communes a bien analysé les compétences de la candidate pour le poste ?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je peux essayer d'obtenir le compte rendu de la séance pour vous. Toutefois, le processus ne correspond pas exactement aux explications du sénateur Andreychuk. En réalité, la nomination a été proposée à la Chambre des communes exactement de la même manière qu'elle est présentée au Sénat. Je recommande que nous l'examinions en comité plénier. La Chambre des communes a recommandé que la nomination soit renvoyée au Comité des opérations gouvernementales. Mme Stoddart a comparu devant lui.

Le leader de l'opposition m'a demandé de lui fournir des exemplaires de la Loi sur la protection des renseignements personnels, que l'on prépare actuellement pour tous les honorables sénateurs afin de leur permettre, s'ils le désirent, de prendre connaissance des fonctions du poste telles qu'elles apparaissent dans la loi. De toute évidence, le Comité des opérations gouvernementales n'est pas autorisé à poser des questions sur des tâches qui ne sont pas prévues en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

En ce qui a trait aux compétences exigées pour le poste, je crois comprendre qu'il en a été question quand Mme Stoddart a comparu devant le comité, et je présume que nous en discuterions également.

Si nous ne créons pas un nouveau comité, et je ne crois pas que nous ayons besoin de nouveaux comités, je pense que le Comité des finances nationales devrait assurer le rôle de surveillance des fonctionnaires du Parlement, quoique je trouve tout à fait logique que la commissaire aux langues officielles fasse rapport au Comité des langues officielles. C'est d'ailleurs à ce comité qu'elle présente régulièrement ses rapports. Toutefois, en ce qui concerne l'examen des finances et autres sujets semblables, je voudrais que notre Comité des finances nationales joue un rôle accru.

Honorables sénateurs, je ne puis prendre cette décision. Il appartiendra au Sénat de décider, conformément à notre Règlement, que le Comité des finances nationales assume ce rôle, en plus des fonctions que lui attribue déjà notre Règlement. Je ne pense pas que son mandat actuel lui interdise d'exercer cette fonction, et je crois que l'attribution de cette responsabilité supplémentaire renforcerait son autorité.

[Français]

RENVOI AU COMITÉ PLÉNIER

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose:

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée mais qu'elle soit renvoyée à un comité plénier plus tard ce jour.

[Traduction]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, comme je faisais de l'insomnie la nuit dernière, je me suis intéressé à ce qui s'est passé à la Chambre des communes hier. Avant d'examiner cette affaire cet après-midi, il serait peut-être utile de lire, à la page 9237 des Débats de la Chambre des communes, le compte rendu de la déclaration faite hier, à 11 heures. Je cite:

L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu des consultations entre tous les partis à la Chambre et, vu l'entente qui a été conclue, vous constaterez que la motion suivante fait l'objet du consentement unanime. Je propose:

Que la motion no 134, inscrite en mon nom au Feuilleton, soit maintenant proposée et adoptée à l'unanimité.

La motion est ainsi conçue:

Que, conformément au paragraphe 53(1) de la Loi visant à compléter la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels et de droit d'accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent, chapitre P-21 des Lois révisées du Canada [1985], la Chambre approuve la nomination de Jennifer Stoddart de Westmount (Québec), à titre de commissaire à la protection de la vie privée pour un mandat de sept ans.

[Français]

Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il consentement unanime pour adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Par cette motion, honorables sénateurs, la Chambre des communes a fait de Mme Stoddart une fonctionnaire du Parlement pour sept ans.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Sauf tout le respect que je vous dois, honorables sénateurs, je ne pense pas que ce soit équitable pour le Comité des opérations gouvernementales de la Chambre des communes. Tous les députés sont représentés au sein du comité. Mme Stoddart a comparu devant ce comité. Les députés ont passé énormément de temps avec elle, et j'espère que nous en ferons autant cet après-midi.

Ils ne se sont pas formés en comité plénier, mais ils ont quand même eu recours au processus d'étude en comité. Une fois le travail du comité terminé, ils ont consenti à l'unanimité à confirmer la nomination.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais faire une proposition par rapport à la motion. Avant d'entendre Mme Stoddart, ou après, on pourrait peut-être demander à M. Marleau, le commissaire intérimaire, de venir témoigner devant le comité plénier pour qu'on ait l'occasion de le remercier de son travail et de lui poser certaines questions, s'il est disponible bien entendu.

Ce n'est qu'une idée. S'il ne peut pas se présenter devant le Sénat, ce n'est pas grave.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, c'est une très bonne suggestion et nous allons tenter de voir si la présence de M. Marleau est possible cet après-midi, compte tenu de toutes les circonstances.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

(La motion est adoptée.)

PROJET DE LOI SUR LA DATE DE PRISE D'EFFET DU DÉCRET DE REPRÉSENTATION ÉLECTORALE DE 2003

DEUXIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi sur la date de prise d'effet du décret de représentation électorale de 2003.

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, mon intervention au sujet du projet de loi C-49 sera brève. Dans une vie antérieure, au Nouveau-Brunswick, lorsque les choses n'étaient pas très claires, mes électeurs me disaient de parler en langage de la rue pour qu'ils comprennent de quoi il était question dans la mesure législative. Je crois que le débat sur ce projet de loi n'a pas du tout éclaircit les choses. Je venais de l'édifice Victoria ce matin avec des collègues et j'ai été étonnée d'apprendre que certains d'entre eux croient que le projet de loi doit être adopté pour que les nouvelles circonscriptions soient établies. Comme on dit dans l'Est, lorsque l'eau est trouble, on ne peut voir le poisson.

(1110)

Je veux parler sans ménagement de cette question, en langage ordinaire, afin d'être la plus claire possible au sujet du projet de loi proposé que je considère comme du charcutage électoral. Nous savons tous de quoi je parle. Durant nos années d'expérience, nous avons appris à reconnaître que nous réprouvons ce genre de chose et que cela a généralement des effets imprévus.

Je m'inquiète de cette situation. Dans notre démocratie, nous savons sûrement que nous ne devrions pas nous ingérer dans le travail du directeur général d'élections. Nous le savons sûrement. Manifestement, cependant, certaines personnes ne le savent pas. Elles veulent encore faire du charcutage électoral.

Le projet de loi C-49 s'ingère dans une législation qui contrôle le processus électoral qui est fixé par le directeur général des élections et il ne nous revient pas de faire cela. Le premier ministre Pearson le comprenait. Dieu sait qu'il y a assez de pays sans processus démocratique et sans gouvernement démocratique où cela se fait de façon courante et importe très peu, car on n'a aucun respect dans beaucoup de pays pour le processus démocratique. Cependant, au Canada, nous avons sûrement plus de respect que cela pour le processus démocratique.

À l'heure actuelle, le directeur général des élections sait en vertu de la loi qu'une fois que les limites des circonscriptions électorales ont été acceptées, il dispose d'une année complète pour préparer les prochaines élections; c'est aussi simple que cela. Il n'y a rien de complexe là-dedans. Ces limites des circonscriptions électorales, y compris les nouvelles limites en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario ont été établies en août dernier. Le directeur général des élections et son personnel savent qu'ils ont, en vertu de la loi, une année complète pour se préparer aux prochaines élections.

Je vais donner aux honorables sénateurs des exemples de ce qui se produit lorsqu'il y a remaniement arbitraire des circonscriptions. Certains peuvent penser que cela n'existe plus, que cela ne se produit pas au niveau local. Ma province en a connu un exemple patent. Cela montre ce qui peut se produire, de façon non intentionnelle, lorsqu'on essaie de faire quelque chose pour un ami.

Le seul problème concernant la taille des circonscriptions dans ma petite province, le Nouveau-Brunswick, se posait dans la région où je vis, c'est-à-dire le Grand Moncton. C'est la région de la province en pleine croissance. C'est le moteur de la croissance pour le sud-est du Nouveau-Brunswick. La circonscription fédérale représentant le Grand Moncton comprenait Moncton, ma vieille ville natale, Riverview, une petite agglomération, et le village de Dieppe. Ce dernier est peut-être devenu une petite ville. C'est possible et, dans ce cas, je demande aux gens de Dieppe de m'excuser. Ces trois agglomérations composent la circonscription fédérale du Grand Moncton.

Permettez-moi de raconter ce qui s'est passé au cours du processus de remaniement arbitraire des circonscriptions: à Rothesay — la plupart des sénateurs savent où se trouve Rothesay, en banlieue de Saint John, du côté de Moncton — des personnes influentes ont exercé des pressions pour que Rothesay fasse partie de la ville de Saint John de sorte qu'un fils chéri puisse se présenter dans Rothesay et représenter la circonscription électorale de Saint John. C'est simple. Rothesay est groupée avec la ville de Saint John, bien que cela n'ait jamais été le cas auparavant, mais il suffit de les réunir pour que l'enfant chéri puisse être candidat.

J'ai une fille qui habite cette région, alors je sais ce qui s'y passe. Le dernier sondage que j'ai consulté pour cette région indiquait que seulement 6 p. 100 des habitants de Rothesay souhaitaient la fusion avec Saint John. C'est donc un exemple de remaniement arbitraire des circonscriptions.

En conséquence de ce charcutage électoral, dans la circonscription voisine, qui se rend jusqu'au comté Albert où se situe Riverview, on a dû englober la moitié de Riverview pour parvenir à équilibrer la population. La circonscription va de Saint John, jusqu'à Hampton, et au nord de Sussex, vers la baie de Fundy, pour inclure la moitié de Riverview. L'autre moitié de Riverview fait partie de Moncton. Cela fausse les choses parce que Moncton englobe maintenant seulement la moitié de Dieppe, l'autre moitié faisant partie d'une autre circonscription.

Dieppe et Riverview, deux petites agglomérations, auront deux députés au Parlement, et n'auront probablement jamais la possibilité d'avoir un député qui habite leur circonscription. Moncton, qui est le moteur de croissance, aura un député.

La réponse à ce casse-tête, au lieu de ce remaniement arbitraire des circonscriptions, aurait été ce que les citoyens ont généralement recommandé, soit de faire comme à St. John's, à Terre-Neuve, c'est- à-dire séparer la circonscription en deux de manière à avoir deux circonscriptions dans la région métropolitaine de Moncton. Le découpage arbitraire auquel on a procédé est la cause de toute cette folie. C'est très frustrant.

L'ingérence est toujours lourde de conséquences. On peut le vérifier non seulement dans le processus électoral, mais dans la vie également. Bon nombre d'entre nous ont fréquenté de jeunes enfants. Le processus qui est en train de se mettre en marche me rappelle un jeune enfant qui, vers 16 h 30, demande un bonbon à sa mère. Celle-ci lui répond: «Non, tu ne peux pas manger un bonbon tout de suite parce que nous allons manger dans une heure trente.» L'enfant pique une crise. Sa mère cède et lui donne le bonbon. Au moment du souper, l'enfant n'a plus faim. Non seulement s'agit-il d'une mauvaise pratique alimentaire, mais le train-train familial est complètement chambardé. Vers 21 heures, l'enfant a encore faim et éprouve de la difficulté à trouver le sommeil. Il y a une conséquence à tout. Voilà où nous en sommes.

Je pense savoir qui pique des crises de colère à l'autre endroit. Il y a bien quelqu'un qui fait des colères. Nous avons devant nous un mauvais texte de loi qui altère le processus électoral.

S'il était adopté et si un chef était assez idiot pour déclencher des élections pour le 1er avril, celui-ci perdrait des sièges dans l'Ouest et en Ontario. Ce ne serait pas la faute du Sénat, mais la sienne. Il agirait à ses risques et périls. Le chef en question a déjà suffisamment d'adversaires sans qu'il s'aliène d'autres parties du pays. Ce n'est pas ce projet de loi qui lui aliénera des parties du pays, mais le processus qu'on nous impose. Il fait complètement fausse route. Il n'y a rien de plus sacré dans notre système que de maintenir l'intégrité du processus électoral et de laisser le directeur des élections faire son travail.

Il y a eu tellement d'élections. On n'attend même plus quatre ans comme c'était le cas auparavant. À l'occasion de certaines d'entre elles, on n'a même pas eu le temps de doter en personnel tous les bureaux de scrutin, voire même d'installer convenablement ces bureaux, ce qui a causé des problèmes aux directeurs de scrutin. Si ce projet de loi était adopté, il y aurait encore plus de problèmes, parce que le directeur général des élections n'aurait pas le temps d'organiser toutes les circonscriptions. On connaît les difficultés qui sont survenues la dernière fois, par exemple les noms qui n'apparaissaient pas sur la liste électorale. Je n'ai pas besoin de vous rappeler ces problèmes; les honorables sénateurs connaissent bien le processus électoral. Ce sera pire la prochaine fois. Le directeur général des élections et son personnel n'auront pas assez de temps pour préparer des élections qui se tiendraient le 1er avril. Cela ne fait que servir un groupe de gens qui pensent posséder le pays alors que ce n'est pas le cas. Le pays appartient aux citoyens.

(1120)

C'est dégoûtant. C'est inacceptable et vous le savez.

Je n'ajouterai rien d'autre pour l'instant, honorables sénateurs. Nous avons un ordre du jour bien rempli. J'accorde beaucoup d'importance à cette question. Ce que vous tentez de faire rabaisse cette Chambre. Cela m'attriste.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, madame le sénateur Robertson accepterait- elle une observation et une question?

Le sénateur Robertson: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mon commentaire concerne les exemples de remaniement arbitraire des circonscriptions que le sénateur Robertson a fournis. Le meilleur que j'aie entendu concerne une province que je ne nommerai pas. La ligne de démarcation divisait en deux un immeuble résidentiel de six étages, si bien que les trois premiers étages étaient dans une circonscription et les trois derniers dans une autre. Le moins qu'on puisse dire est que la délimitation des circonscriptions était une activité méticuleuse à cette époque!

Madame le sénateur a signalé que le délai d'un an avait été déterminé pour donner au directeur général des élections tout le temps voulu pour tout préparer, surtout les bureaux de scrutin, dernière étape du processus. Une fois que les délimitations sont connues et officielles, la dernière étape consiste à établir les bureaux de scrutin. Les nouvelles technologies rendent la chose facile aujourd'hui, mais ce n'était pas facile à l'époque.

Madame le sénateur confirmera-t-elle qu'on a établi un délai d'un an non seulement pour donner du temps au directeur général des élections, mais aussi pour donner du temps à tous les partis politiques, même le plus grand, celui qui compte le plus grand nombre de bénévoles et d'employés, et qu'on a estimé que cette période d'un an était parfaite? Je suis convaincu que pour plusieurs formations politiques, certainement pour la nôtre en tout cas, une période de six mois serait difficile à respecter, d'autant plus que toutes les formations sont assujetties aux nouvelles règles en matière de financement qui seront en vigueur le 1er janvier. Les circonscriptions contrevenantes perdront certains avantages. Il y a donc une double exigence, et c'est pour cela qu'il est essentiel que cette période d'un an soit maintenue.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, je suis tout à fait d'accord avec le sénateur. Toutes les formations politiques sont touchées. Toutefois, ce sont les citoyens qui sont le plus touchés. Ce sont les gens qui subiront les contrecoups de tout cela. Si les formations politiques ne peuvent pas fonctionner comme il se doit, si elles n'ont pas assez de temps et si le directeur général des élections n'a pas assez de temps, ce sont les citoyens qui en subiront les contrecoups.

L'honorable David P. Smith: Honorables sénateurs, madame l'honorable sénateur pourrait-elle nous indiquer comment elle interprète le fait que tous ses collègues progressistes-conservateurs de l'autre endroit, mis à part un député du Manitoba, ont voté en faveur de ce projet de loi à l'étape de la troisième lecture, même ses collègues du Nouveau-Brunswick? L'honorable sénateur peut-elle expliquer pourquoi ils ont jugé bon de se prononcer en faveur de ce projet de loi?

Le sénateur Robertson: Honorable sénateurs, je n'essaierais jamais d'expliquer les décisions des représentants de l'autre Chambre. J'ai déjà suffisamment de mal à comprendre ce que nous faisons ici. Parfois, ce n'est pas joli. D'autres fois, les gens qui appartiennent à une minorité votent en faveur de certaines mesures parce qu'ils en ont assez de discuter et qu'ils savent que, de toute façon, il vont perdre. Je n'en suis pas certaine, il faut leur demander directement. Néanmoins, je ne suis pas d'accord avec eux.

Son Honneur le Président: Le temps de parole du sénateur Robertson est écoulé. L'honorable sénateur désire-t-elle demander la permission de poursuivre?

Le sénateur Robertson: Pas nécessairement.

Son Honneur le Président: Je considère cette réponse comme un non.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voulais intervenir. Toutefois, après avoir entendu les dernières suggestions du leader de mon parti, je crois que je vais prendre le temps d'examiner plus attentivement l'incidence financière de cette mesure législative.

Puis-je proposer l'ajournement du débat?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Forrestall, appuyé par l'honorable sénateur Stratton, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Comme j'imagine que cette proposition ne fera pas consensus, je poserai directement la question: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Un vote s'impose. Comme nous le savons tous, le timbre retentira durant une heure. Je demande au Sénat de me dire ce que je dois faire, s'il le peut, étant donné que nous avons ordre du Sénat de voter à 12 h 30 et qu'une sanction royale sera donnée à 13 heures.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, nous sommes d'accord pour tenir le vote à 11 h 50.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le timbre retentira à 12 heures en vue d'un vote à 12 h 30. Après le vote, le timbre continuera à retentir jusqu'à...

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Votre Honneur, nous sommes d'accord pour que le timbre commence à retentir maintenant pour ce vote. Et pour qu'il cesse de retentir à 11 h 50, moment où se tiendra le vote.

Son Honneur le Président: Je remercie l'honorable sénateur Carstairs d'avoir éclairci ce point pour le Président.

Le vote se tiendra à 11 h 50. Convoquez les sénateurs.

(Le débat est suspendu.)

(1150)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que je ne propose le vote, je dois vous aviser que la sonnerie a été entendue à tous les endroits habituels sauf à l'édifice Victoria.

Des voix: Oh, oh!

Son Honneur le Président: Puis-je continuer?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai constaté la situation il y a 15 minutes. Je sais qu'un message a été transmis pour aviser le bureau du whip des gens de l'autre côté. Nous avons expédié un courriel général à tous les sénateurs dans leurs bureaux, où qu'ils soient. Nous avons aussi demandé aux gardiens de sécurité de frapper à toutes les portes des sénateurs à l'édifice Victoria pour les aviser de la tenue du vote.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): J'espère qu'on corrigera la situation pour le prochain vote. Il est essentiel d'entendre la sonnerie, Votre Honneur.

PROJET DE LOI SUR LA DATE DE PRISE D'EFFET DU DÉCRET DE REPRÉSENTATION ÉLECTORALE DE 2003

DEUXIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi sur la date de prise d'effet du décret de représentation électorale de 2003;

Et sur la motion de l'honorable sénateur Forrestall, appuyée par l'honorable sénateur Stratton, tendant à l'ajournement du débat jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président: Puisque je n'entends pas de protestations, je vais demander le vote.

Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'ajournement du débat se lèvent.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POURLES HONORABLES SÉNATEURS

Comeau Lynch-Staunton
Forrestall Rivest
Kinsella Stratton—7
LeBreton

CONTRELES HONORABLES SÉNATEURS

Bacon Kroft
Banks LaPierre
Bryden Lapointe
Callbeck Léger
Carstairs Losier-Cool
Chalifoux Maheu
Chaput Milne
Christensen Moore
Corbin Morin
Day Pearson
De Bané Pépin
Downe Phalen
Fairbairn Plamondon
Finnerty Poulin
Fraser Poy
Furey Ringuette
Gauthier Robichaud
Gill Rompkey
Grafstein Sibbeston
Graham Smith
Harb Sparrow
Hubley Trenholme Counsell
Jaffer Watt
Joyal Wiebe—49
Kenny

ABSTENTIONSLES HONORABLES SÉNATEURS

Cools Prud'homme—2

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, dans quatre minutes environ, à midi, nous devrons, conformément à l'ordre qui a été adopté, convoquer les sénateurs. Désirez-vous poursuivre le débat sur ce projet de loi pendant les quelques minutes qu'il nous reste?

Des voix: Oui.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais que nous examinions les deux effets possibles des actions que nous pourrions envisager à savoir: empêcher des personnes d'autres régions du Canada d'accéder à d'autres sièges; et, comme le disait un peu plus tôt le leader de l'opposition au Sénat, les répercussions financières. Je voulais examiner ces deux questions encore une fois, car je ne crois pas que ces répercussions se matérialiseront. Si nous en avions eu le temps et la possibilité, j'aurais plaidé en faveur d'un réexamen de la nécessité de limiter le nombre absolu de députés.

Le nombre de sièges à l'autre endroit augmente et continuera d'augmenter, parce qu'il est fondé sur une formule. C'est un processus évolutif, qui peut cependant être interrompu. Au cours des quelques années à venir, il y aurait lieu d'examiner une autre méthode permettant d'ajuster, de temps à autre, le nombre de députés, afin d'éviter les problèmes que nous connaissons actuellement. Demain, j'aurai siégé 38 ans à l'autre endroit et ici, et, à ma connaissance, le redécoupage de la carte ne s'est jamais fait sans accusations d'arbitraire ou insinuations de corruption.

Tout cela pour vous parler de trois préoccupations fondamentales qui sont miennes. Premièrement, je ne crois pas qu'il y aura ingérence. Les sièges sont là. Ils seront créés. Deuxièmement, il n'y a aucune raison, sauf pour satisfaire M. Martin, d'accélérer le processus de changement électoral. Troisièmement, il y aurait peut-être lieu de réexaminer tout le processus.

(Le débat est suspendu.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Forrestall, je regrette de vous interrompre, mais il est midi et, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 6 novembre 2003, je dois interrompre les délibérations afin de mettre aux voix la motion d'amendement du projet de loi C-34, présentée par l'honorable sénateur Bryden.

La sonnerie d'appel retentira pendant 30 minutes. Le vote aura lieu à 12 h 30.

Convoquez les sénateurs.

(1230)

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—ADOPTION DE LA MOTION D'AMENDEMENT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p. avec l'appui de l'honorable sénateur Robichaud, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Bryden, appuyée par l'honorable sénateur Sparrow, portant que le projet de loi C-34 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,

à l'article 2,

(i) à la page 1, par substitution, aux lignes 8 à 25, de ce qui suit:

«20.1 Le Sénat nomme le conseiller sénatorial en éthique par résolution et avec le consentement du chef de chacun des partis reconnus au Sénat.»

(ii) à la page 2, par suppression des lignes 1 à 33,

(iii) à la page 3, par suppression des lignes 1 à 9.

(La motion d'amendement, mise aux voix, est adoptée.)

POUR LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Kenny
Angus Keon
Atkins Kinsella
Bacon Kroft
Baker LeBreton
Banks Lynch-Staunton
Beaudoin Maheu
Bryden Meighen
Cochrane Moore
Comeau Murray
Cools Pépin
Corbin Pitfield
Di Nino Poulin
Doody Prud'homme
Eyton Rivest
Forrestall Robertson
Furey Sibbeston
Gauthier Sparrow
Gill Spivak
Grafstein Stollery
Gustafson Stratton
Johnson Tkachuk
Joyal Watt—47
Kelleher

CONTRELES HONORABLES SÉNATEURS

Biron LaPierre
Callbeck Lapointe
Carstairs Léger
Chalifoux Losier-Cool
Chaput Milne
Christensen Morin
Day Pearson
De Bané Phalen
Downe Plamondon
Fairbairn Poy
Finnerty Ringuette
Fraser Robichaud
Graham Rompkey
Harb Smith
Hubley Trenholme Counsell
Jaffer Wiebe—32

ABSTENTIONSLES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune.

PROJET DE LOI SUR LA DATE DE PRISE D'EFFET DU DÉCRET DE REPRÉSENTATION ÉLECTORALE DE 2003

DEUXIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi sur la date de prise d'effet du décret de représentation électorale de 2003.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je ferai brièvement quelques commentaires et observations. J'avais demandé qu'on m'accorde un peu plus de temps, mais un employé de mon bureau étant absent pour cause de maladie, je n'ai pas pu avoir accès à mes notes. Je ne suis pas ici depuis assez longtemps encore pour m'être mérité la confiance des gens qui sont investis des pouvoirs sur les clefs et qui auraient pu m'y donner accès. Je vous prie donc de m'excuser.

D'après ce que je peux comprendre de ce projet de loi, il n'y aura aucune conséquence si nous n'adoptons pas ce projet de loi avant la fin de juillet ou le début d'août de l'année prochaine. Je ne vois donc rien d'urgent, si ce n'est que des raisons personnelles, pour soulever la question plus tôt.

Je répète au gouvernement le message que lui ont transmis bon nombre d'intervenants qui ont souligné que l'aide et le financement du gouvernement à cet égard pourraient être un peu déplacés. Autrement dit, nous pourrions très bien nous retrouver avec deux ou trois programmes de financement qui seraient tous légaux, ce qui risquerait de poser de graves problèmes au directeur général des élections ou au responsable du financement.

(1240)

J'ai des hésitations à cet égard. Si quelqu'un pouvait m'expliquer précisément ce que M. Martin ou d'autres tentent de gagner en voulant devancer de six mois à un an la date de prise d'effet, je serais très heureux d'écouter ce qu'ils ont à dire.

Je termine en revenant sur le sujet que j'ai soulevé plus tôt. Il s'agit des diverses formules qui ont été proposées au cours des 20 dernières années à l'égard de la croissance de la Chambre des communes. Il y a maintenant quelque 300 députés. Selon la formule établie, d'ici à ce que les plus jeunes d'entre nous prennent leur retraite, leur nombre devrait approcher les 360. Il ne s'agit là que d'un calcul rapide effectué au cours des quelque vingt dernières minutes et il ne faudrait donc pas trop s'y fier. Toutefois, la question est posée. Où toute cette croissance de la Chambre des communes s'arrêtera-t-elle? Où assoirons-nous tous les nouveaux députés?

Certains préconisent sérieusement un Sénat élu. Nous sommes 105. Pouvez-vous imaginer le pouvoir que nous aurions? N'importe quel sénateur, allié à quatre ou cinq députés fédéraux et 15 ou 20 députés provinciaux deviendrait un politique très puissant, dans notre régime, tout comme le sont les sénateurs du Congrès américain. Ce sont des sièges de pouvoir en soi.

Si les choses déraillent, on a l'impression de perdre le contrôle ou de ne pas faire les choses correctement. On dit que la pire forme de pollution consiste à se défaire d'une bonne idée avant le temps, avant qu'elle n'ait été utilisée à fond à l'avantage des gens. Nous avons ici l'une de ces situations.

Nous avons un processus enviable qui a résisté à de nombreuses attaques, à bien des tentatives de contournement, et il a tenu le coup. J'invite les honorables sénateurs à réfléchir un instant avant que nous ne passions au vote final sur cette question. Il ne s'agit pas simplement de l'aide à donner ou non à un ou deux députés, si puissant l'un d'eux puisse-t-il devenir dans un jour ou deux. Pensez plutôt aux conséquences à long terme du maintien d'un processus et d'un système de croissance ou de changement qui ont fait l'objet d'une étude exhaustive avant d'entrer en vigueur.

D'après mon expérience, les changements au système de la carte électorale ont toujours été apportés après des consultations au niveau local. Cela a stimulé l'intérêt pour le maintien de l'appartenance à une collectivité. Qu'est-ce que les petites filles du Nord ont à faire avec les mauvais garnements de la baie? Rien du tout, d'après moi. Les petits gars de Sheet Harbour vont rarement à Upper Musquodoboit, sinon pour les danses, une fois par mois. Ils restent dans leur propre localité. Ils y font leurs achats. Il existe une ligne de démarcation très nette entre aller faire ses emplettes à Antigonish et aller les faire à Dartmouth ou à Halifax. On traverse un petit pont, et tout le monde va à l'est, de ce côté du pont, et tout le monde revient à l'ouest. Ces forces existent et elles sont naturelles.

Toutefois, il n'y a rien là-dedans que je peux relier à cette volonté de devancer de six mois l'application du décret. En l'absence de faits et de statistiques sur l'augmentation de l'effectif du Parlement du Canada, et sur la façon de traiter les chiffres pour essayer de laisser un legs collectif, je crois qu'il faudrait y réfléchir à deux fois. À moins qu'il n'y ait très grande urgence, peut-être devrions-nous attendre quatre ou cinq ans.

Merci de m'avoir permis d'intervenir.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Puis-je poser une question à l'honorable sénateur?

Le sénateur Forrestall: Oui.

Le sénateur Kinsella: Le sénateur Forrestall est le doyen des parlementaires de la région de l'Atlantique et a œuvré pendant de nombreuses années à la Chambre des communes. Ma question comporte deux volets. Le remaniement de la carte électorale ne touche pas le Canada atlantique, mais vise l'Ontario, la Colombie- Britannique et l'Alberta. Étant donné que le remaniement est fait en fonction du dernier recensement décennal, en tant que Canadiens de la région de l'Atlantique, nous sommes très heureux des sièges supplémentaires qu'obtiendraient l'Ontario, la Colombie- Britannique et l'Alberta, n'est-ce pas?

Le sénateur Forrestall: Oui, bien sûr. Je n'essaie pas de dire que ce qui est en place actuellement doit être changé. Je propose simplement de nous arrêter quand nous atteindrons la prochaine étape de croissance. Si nous pouvons apporter un changement, comme ramener la période de six mois à un an, nous laisserons un processus en place. Je crois que nous pourrions le conserver, disons pendant un autre mandat complet — pendant quatre, cinq ou six ans tout au plus et le réexaminer à ce moment-là.

Il y aura le recensement intermédiaire, puis nous passerons au recensement décennal. Nous pourrions alors songer à concevoir une nouvelle formule pour l'ajout de sièges au Parlement du Canada.

Tout va bien. Ce qui se produit actuellement ne nous touche pas. Je constate que jusqu'ici dans le débat, personne ne s'est opposé à l'ajout nécessaire de sièges dans ces régions du Canada.

Son Honneur le Président: Je suis désolé de vous interrompre, honorable sénateur, mais vous avez écoulé vos 15 minutes.

Le sénateur Forrestall: Je demande la permission de poursuivre.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: La permission est accordée.

(1250)

Le sénateur Kinsella: Je soulève cette deuxième question en ma qualité de sénateur de la division maritime aux termes de la Constitution. N'est-il pas vrai qu'un des éléments témoignant de la grande sagesse de ceux qui se sont réunis à Charlottetown pour fonder notre grand pays et proposer un système de gouvernement reposant sur le modèle de Westminster est qu'ils ont voulu que l'exercice du pouvoir du Parlement soit aussi équilibré que faire se peut et, partant, que les députés soient choisis en fonction de la population? Toutefois, les Pères de la Confédération ont dit qu'il pourrait y avoir un mouvement démographique d'une région du pays vers une autre. Ainsi, des 301 circonscriptions que compte aujourd'hui le Canada, 103 sont situées en Ontario. Nous ne rechignons manifestement pas là-dessus d'un point de vue démographique, la plus grande partie de la population se trouvant en Ontario. L'honorable sénateur vient de la Nouvelle-Écosse et moi, du Nouveau-Brunswick. Aucune de ces provinces ne compte une vaste population.

Les Pères de la Confédération souhaitaient mettre en place un système de gouvernement reposant sur le modèle du Parlement de Westminster et c'est pourquoi ils ont créé cette Chambre. Je sais que de nombreux sénateurs souhaiteraient que le mode de sélection des sénateurs soit modifié. Un nombre incalculable de suggestions concernant la façon d'y arriver ont été formulées au fil des ans.

Selon moi, peu d'arguments solides ont été présentés au sujet de l'importance du Sénat sur le plan de l'équilibre du pouvoir au Parlement. Une partie de cet équilibre vient de l'élection des députés sur la base de la population. Sur le plan purement démographique, le nombre de députés de la région atlantique — Terre-Neuve-et- Labrador, Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince- Édouard — serait inférieur à celui que l'on trouve actuellement à la Chambre des communes grâce à la sagesse des fondateurs de ce grand pays et à notre système de gouvernement. Les Pères de la Confédération ont dit qu'un équilibre s'imposait entre le nombre de sénateurs venant du Canada atlantique et le nombre de députés.

Que dirait le sénateur Forrestall à ceux qui viennent de régions populeuses du pays devant le fait que nous avons un nombre précis de députés en raison du nombre de sénateurs que nous comptons, ce qui est précisé dans la Constitution? Si nous devions déterminer le nombre de députés uniquement sur la base du recensement, notre région compterait beaucoup moins de représentants à la Chambre.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, ce serait le problème de quelqu'un d'autre, puisque je serai parti depuis longtemps. J'ai réfléchi à la question et je reconnais que la croissance du Parlement cause de nombreux problèmes et entraîne des décisions difficiles. J'ai bien aimé les interventions sur le sujet de MM. Allan MacEachen et Bob Stanfield, deux hommes venant de l'est du pays. Quand ils prenaient la parole, il était difficile de savoir s'ils venaient de la Colombie-Britannique, de l'Alberta ou de la Nouvelle-Écosse, car c'étaient deux nationalistes. Ils envisageaient le pays dans son ensemble et prenaient en considération les régions du centre du Canada où le taux de croissance était beaucoup plus élevé. Ils ont conçu une formule pour accroître la représentation de base, c'est-à- dire pour que le nombre d'électeurs par circonscription augmente plus rapidement que le nombre de circonscriptions. Cette formule nous a bien servis jusqu'à présent.

Après le prochain recensement décennal, le Parlement devra examiner la situation, soit à l'interne ou en recourant à des consultants de l'extérieur. On doit regarder ailleurs pour voir comment on a remédié au problème. Je ne crois pas que l'on veuille apporter des changements radicaux avant le prochain recensement décennal.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé d'interrompre le débat, mais ce sera bientôt l'heure de la cérémonie de la sanction royale.

(Le débat est suspendu.)

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Avant de quitter le fauteuil, je vous signale la présence à notre tribune de M. Vernon Theriault, travailleur à la mine Westray et récipiendaire de la Médaille de la bravoure; M. Peter Boyle, président, section 343, Métallurgistes unis d'Amérique; Mme Del Paré, mineur; M. Dennis Deveau, directeur législatif, Métallurgistes unis d'Amérique, et M. Allan Martin et sa femme, Debbie, qui représentent les familles des 26 mineurs qui sont morts dans la mine Westray, et dont l'un d'entre eux, Glenn Martin, était le frère d'Allan. Bienvenue.

Plaît-il aux honorables sénateurs que le Sénat s'ajourne à loisir pour attendre l'arrivée de Son Excellence la Gouverneure générale?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


(1300)

[Français]

SANCTION ROYALE

Son Excellence la Gouverneure générale du Canada arrive et prend place au Trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son Président. Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:

Loi modifiant le Code criminel (responsabilité pénale des organisations) (Projet de loi C-45, Chapitre 21, 2003)

Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois (Projet de loi C-25, Chapitre 22, 2003)

Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence (Projet de loi C-6, Chapitre 23, 2003)

Loi instituant le Jour commémoratif de l'Holocauste (Projet de loi C-459, Chapitre 24, 2003)

Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d'autres lois en conséquence (Projet de loi C-37, Chapitre 26, 2003)

Loi modifiant la législation relative aux avantages pour les anciens combattants et les enfants des anciens combattants décédés (Projet de loi C-50, Chapitre 27, 2003)

Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (ressources naturelles) (Projet de loi C-48, Chapitre 28, 2003)

Loi visant la fusion de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance et de L'Association canadienne des planificateurs financiers sous la dénomination L'Association des conseillers en finances du Canada (Projet de loi S-21)

L'honorable Peter Milliken, Président de la Chambre des communes, adresse la parole à Son Excellence la Gouverneure générale en ces termes:

Qu'il plaise à Votre Excellence.

La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.

Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Excellence le projet de loi suivant:

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2004 (Projet de loi C-55, Chapitre 25, 2003)

À ce projet de loi, je prie humblement Votre Excellence de donner la sanction royale.

Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de donner la sanction royale au projet de loi.

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de se retirer.


(1310)

[Traduction]

(Le Sénat reprend sa séance.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de prendre mon fauteuil, je rappelle aux sénateurs que la tradition voulant que le Président offre une réception à la suite de la sanction royale existe toujours. Les sénateurs sont donc invités à prendre part à un déjeuner léger, dans les appartements du Président, et en compagnie de nos invités de Westray et de la Gouverneure générale.

PROJET DE LOI SUR LA DATE DE PRISE D'EFFET DU DÉCRET DE REPRÉSENTATION ÉLECTORALE DE 2003

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Léger, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-49, Loi sur la date de prise d'effet du décret de représentation électorale de 2003.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Puis-je poser une question au sénateur Forrestall?

Lorsque ce projet de loi sera renvoyé, je présume, au Comité des affaires juridiques, un des témoins clés sera le directeur général des élections. Je compte profiter de sa présence pour lui demander ses observations à propos du succès que remporte le nouveau système d'inscription des électeurs, par rapport à l'ancien système de dénombrement. Certains d'entre nous soutiennent que, même s'il était plus coûteux et plus difficile à appliquer, l'ancien système de dénombrement était à tout le moins plus complet en ce qui concerne l'établissement des listes électorales, car il incombait au gouvernement de trouver suffisamment de personnes pour faire du porte à porte, laisser des notes de rappel, puis envoyer des cartes indiquant à quel bureau de vote les électeurs devaient se rendre.

Selon le système actuel, il revient aux électeurs de s'inscrire et, s'ils changent de circonscription et n'en avisent pas les intéressés, ou si le fonctionnaire électoral n'en est pas avisé au moyen des renseignements fournis par les provinces, ou encore, si les électeurs ne cochent pas la case appropriée dans leur formulaire de déclaration de revenus, beaucoup d'électeurs seront laissés pour compte.

(1320)

Je me suis laissé dire qu'aux dernières élections en Nouvelle- Écosse, tenues selon la liste permanente d'électeurs, de nombreux électeurs ont été oubliés ou inscrits dans la mauvaise circonscription, et qu'il y a même eu des personnes décédées inscrites.

Le sénateur Forrestall a-t-il une idée du système que nous devrions mettre en place pour que chaque personne ayant qualité d'électeur figure sur la liste?

L'honorable J. Michael Forrestall: Je remercie le sénateur Lynch- Staunton de sa question. Il semble qu'il y ait un nombre d'électeurs à partir duquel il est préférable d'automatiser une liste électorale; ce n'est pas 20 millions environ, le nombre d'électeurs actuels au Canada, mais plutôt près de 100 millions, où il devient presque impossible d'y échapper au point de vue financier. Évidemment, nous sommes loin de ce nombre. Diverses instances font l'essai de divers types d'automatisation pour en vérifier le bon fonctionnement et détecter les principaux problèmes; mais nous sommes loin de la nécessité d'un vote automatisé ou d'une liste permanente, comme certains l'appellent.

En fait, je crois que le directeur général des élections pourrait vous indiquer le coût des électeurs oubliés. Question de remaniement arbitraire des circonscriptions, je connais une situation où 20 bureaux de vote ont été oubliés. Ces gens n'avaient aucun endroit où voter et n'ont donc pu voter. Ils ont «perdu» leurs dernières élections.

Nous sommes encore à de nombreuses années d'une urgence économique d'adopter un scrutin électronique et d'établir une liste permanente d'électeurs, à moins que quelqu'un ne trouve un meilleur système.

Le système en vigueur aux États-Unis est tellement dépassé que seuls quelque 60 p. 100 des gens ont le droit de vote, quelle qu'en soit la raison. C'est leur propre faute, mais les autres n'ont pas le droit de voter.

Un pays bien administré, c'est celui où les citoyens vivent sans vraiment s'interroger au sujet de leur gouvernement au jour le jour. Ils ne veulent pas avoir à se préoccuper du mécanisme de quelque chose d'aussi fondamental que leur droit de voter. Ils souhaitent qu'un bon système soit mis en place, qu'ils connaissent bien, qui, à leurs yeux, fonctionne bien et auquel ils peuvent faire confiance dans l'ensemble. Lorsque vous commencez à modifier quelque chose d'aussi fondamental, vous favorisez et suscitez d'énormes problèmes, sans parler de coûts énormes jusqu'à ce que ce soit faisable sur le plan économique.

Je suis contre. Lors du recensement effectué selon la bonne vieille manière, des représentants d'au moins deux des partis ayant obtenu le plus grand nombre de votes lors des élections précédentes se présentent au domicile des électeurs et les inscrivent. Lorsque personne ne leur répond, ils doivent y retourner et y retourner encore. Les bons recenseurs se présenteront à domicile jusqu'à ce qu'ils aient la certitude que la liste est aussi complète que possible. De plus, tout bon candidat dispose d'un comité qui examine ces listes attentivement, comme je l'ai fait pendant 25 ans. Personne n'a été oublié dans Dartmouth.

Je ne peux rien faire d'autre que de proposer de mentionner, lors d'entretiens avec le directeur général des élections, que d'aucuns ont actuellement des réserves à l'égard d'une liste électorale permanente. Quand nous aurons une population de 200 millions ou de 300 millions de personnes, nous pourrons y penser.

L'honorable David P. Smith: Le sénateur Forrestall pourrait-il nous expliquer, lorsqu'il s'oppose à ce projet de loi, pour quelles raisons il n'est pas d'accord avec la position du chef de son parti, un néo- écossais comme lui du caucus du Parti conservateur, et avec celle de Scott Brison, un autre collègue de la Nouvelle-Écosse, qui ont tous deux voté en faveur du projet de loi lors de la troisième lecture à la Chambre?

Il pourrait peut-être aussi nous expliquer pourquoi le Sénat devrait dire à la Chambre des communes, bien que quatre des cinq partis de cette Chambre aient appuyé ce projet de loi, que nous sommes mieux en mesure de déterminer la date de prise d'effet de ce projet de loi, ainsi que les bases sur lesquelles repose son désaccord avec le chef de son parti.

Le sénateur Forrestall: J'ai un engagement pris antérieurement avec Son Excellence la Gouverneure générale du Canada, et le sénateur Smith souhaiterait peut-être se joindre à moi.

En réponse à la question du sénateur, je lui demanderai un jour d'où proviennent tous ces malentendus entre les deux Chambres au sujet de l'autorité gouvernementale.

Honorables sénateurs, nous ne devrions peut-être pas faire attendre Son Excellence trop longtemps. Je suis plutôt vieux jeu sur ces questions.

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement les questions soulevées relativement à ce projet de loi. Au début, je pensais que l'objet de ce projet de loi était de faire avancer la date des élections. Lorsque j'ai entendu les inquiétudes de divers sénateurs, je me suis dit qu'il fallait y réfléchir plus longuement.

Les honorables sénateurs qui ont étudié le projet de loi en profondeur m'ont convaincu de ne pas procéder trop rapidement avec celui-ci. C'est le rôle du Sénat de considérer sérieusement tout projet de loi.

Des inquiétudes ont été soulevées par les honorables sénateurs au sujet d'Élections Canada. L'honorable sénateur Lynch-Staunton a soulevé un fait qui m'a préoccupé, soit que le directeur général d'Élections Canada aurait envoyé une lettre aux partis pour suggérer d'avancer la date des élections.

(1330)

Le leader de notre parti en a traité plus en profondeur. Une chose m'a inquiété encore plus, c'est le fait que, récemment, dans cette Chambre, nous avons commencé à adopter des projets de loi avec une majorité — il n'y a rien de mal à cela, la majorité va remporter les élections, il faut l'accepter — mais un grand nombre de nouveaux sénateurs ne semblent pas être conscients des implications de leurs votes, en faveur ou contre les projets de loi. Beaucoup de nouveaux sénateurs semblent être prêts à voter aveuglément sur des choix qui changent la nature même de cette Chambre et de notre pays, sans être conscients des enjeux.

Cela commence à m'inquiéter, car on ne semble pas écouter les personnes qui ont une connaissance approfondie des projets de loi que nous examinons. Par exemple, nous avons vu dernièrement le projet de loi sur la cruauté envers les animaux. Au début j'étais en faveur et, ensuite, après avoir écouté les inquiétudes soulevées par nos amis autochtones du Nord, ils sont parvenus à convaincre un certain nombre d'entre nous qu'on ne devrait pas procéder trop rapidement à l'adoption des projets de loi. C'est là la beauté de cette Chambre; nous voyons ici des personnes qui ont de vastes connaissances et une expérience que certains d'entre nous n'ont pas.

Dans le cas que je cite, les Autochtones ont soulevé des inquiétudes. Le sénateur Beaudoin et moi-même étions, au début, en faveur du projet de loi, puis nous avons commencé à les écouter, ils ont fait reculer nos certitudes. On l'a vu aussi avec le projet de loi sur l'éthique. J'ai écouté un de nos collègues, quelqu'un dont je pensais qu'il avait examiné le sujet en profondeur, qui nous a annoncé cette semaine qu'on devait adopter le projet de loi parce qu'un journaliste du Hill Times avait écrit un article et qu'il fallait l'adopter rapidement. C'est insensé. Je ne sais même pas si le journaliste en question a jamais entendu parler du Sénat; et il faudrait que nous adoptions le projet de loi pour la seule raison que quelqu'un du Hill Times a dit qu'il fallait l'adopter.

En plus de cela, l'idée qui soutenait l'intérêt de passer le projet de loi le plus rapidement possible était qu'il fallait régler un problème de perception. C'est un peu ce qui avait été proposé par le sénateur Carstairs. C'est s'imaginer que les Canadiens n'ont aucune connaissance, qu'il suffit de traiter les choses en surface pour qu'ils soient contents: on a un projet de loi sur l'éthique, tout va bien. Heureusement, certains sénateurs ont une grande expérience, comme le sénateur Furey, le sénateur Joyal, les sénateurs Grafstein, Beaudoin, Nolin et d'autres, et ils nous ont démontré que des problèmes se posaient avec tel ou tel projet de loi.

Des gens comme moi, au début, ne connaissaient peut-être pas tous les enjeux de la question; tout à coup, nous avons été convaincus qu'il ne fallait pas nous précipiter.

M. Paul Martin va devenir, la semaine prochaine, le nouveau leader du Parti libéral. Cela va être un peu curieux, car nous aurons un premier ministre qui ne sera pas le leader du parti, et un leader qui ne sera pas le premier ministre. Le futur premier ministre veut pouvoir déclencher des élections au moment qui lui sied. Donc, nous sommes en train d'essayer d'adopter, à grande vitesse, un projet de loi afin que M. Martin puisse déclencher des élections au moment qui lui conviendra.

Ce n'est pas pour cela que nous sommes ici. Nous sommes ici pour servir le peuple canadien.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais aider le leader adjoint. Nous nous sommes mis d'accord pour nous former en comité plénier. Mais un problème pratique se pose: il faut placer les tables, etc. Comme nous ne pouvons permettre à des étrangers de pénétrer dans cette enceinte, je recommande que nous suspendions la séance. Cela donnerait également l'occasion à ceux qui le veulent d'accueillir Son Excellence. Je propose de suspendre la séance jusqu'à 14 heures.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je propose 14 heures ou jusqu'à ce que ces messieurs aient terminé leur travail.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne voulais pas interrompre l'honorable sénateur Comeau qui était en train de faire un discours. Je serai à la disposition de la Chambre après qu'il l'aura terminé.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Le vote!

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire: Plaît-il aux honorables sénateurs que la séance soit suspendue jusqu'à 14 heures cet après midi?

Des voix: D'accord.

(La séance est suspendue.)

(1400)

(Le Sénat reprend sa séance.)

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, étant donné que nos témoins sont prêts à comparaître en comité plénier, je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LE COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

ADOPTION DE LA MOTION VISANT À CONFIRMER LA NOMINATION DE MME JENNIFER STODDART—ÉTUDE EN COMITÉ PLÉNIER

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que le Sénat se forme maintenant en comité plénier pour entendre des témoins relativement à la nomination de la commissaire à la protection de la vie privée.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)


Le Sénat s'ajourne donc à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Lucie Pépin.

L'ordre du jour appelle:

Que, conformément au paragraphe 53(1) de la Loi visant à compléter la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels et de droit d'accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent, chapitre P- 21 des Lois révisées du Canada (1985), le Sénat approuve la nomination de Jennifer Stoddart, de Westmount (Québec), à titre de Commissaire à la protection de la vie privée pour un mandat de sept ans.

La présidente: Honorables sénateurs, avant de commencer, permettez-moi d'attirer votre attention sur l'article 83 du Règlement qui prévoit que:

Lorsque le Sénat se forme en comité plénier, chaque sénateur doit occuper son propre siège. Un sénateur qui veut prendre la parole se lève et s'adresse au président du comité.

Honorables sénateurs, vous plaît-il de suspendre l'application de l'article 83 du Règlement?

Des voix: D'accord.

[Français]

Conformément à l'ordre adopté par le Sénat, Mme Jennifer Stoddart et M. Robert Marleau prennent place dans la salle du Sénat.

La présidente: J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins et j'invite Mme Stoddart à prendre la parole dès maintenant.

Mme Jennifer Stoddart, présidente de la Commission de l'accès à l'information, Québec: Il me fait plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui et je suis très heureuse que vous m'ayez nommée pour occuper ce poste comprenant de très grandes responsabilités et d'une grande importance pour les Canadiens et les Canadiennes.

[Traduction]

Comme vous le savez, le commissaire à la protection de la vie privée a d'importantes responsabilités, tout d'abord aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels et ensuite, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques qui a été adoptée récemment et dont je parlerai tout à l'heure.

Comme les honorables sénateurs le savent à partir de débats précédents et en fonction de leur expérience, les questions de protection de la vie privée sont des questions délicates et importantes au Canada de nos jours. Nous essayons de concilier la protection de notre vie privée avec les besoins sociaux et nationaux courants. Je vais vous donner quelques exemples. Il y a les questions de soins de santé, de l'accessibilité à l'information que le gouvernement a sur ses citoyens d'une façon qui respecte notre vie privée, les questions d'accès à l'information que le gouvernement détient sur nous et la question d'importance croissante sur la façon dont le secteur privé utilise les informations que nous pouvons donner dans le cadre de nos transactions commerciales.

Tout cela se produit de nos jours dans un contexte extrêmement volatile au Canada et dans la communauté internationale. La sécurité internationale a pris plus d'importance au cours des dernières années. Dans le monde entier, nous voyons des questions de contrôle des frontières commencer à se poser, à cause de la migration transnationale et internationale de gens, ce phénomène étant là encore exacerbé par des questions de sécurité liées à ce flux de personnes.

(1410)

En tant que Canadiens, nous nous préoccupons également de la montée des coûts de santé et ainsi, dans la mesure où la transmission d'informations peut accélérer les choses et réduire nos coûts de santé, nous voulons examiner la question en évitant une intrusion dans notre vie privée. Le commerce électronique s'impose de lui- même comme la façon de faire des affaires et soulève de nouvelles préoccupations en matière de protection de la vie privée.

Enfin, toutes sortes d'innovations technologiques présentent de nouveaux problèmes quant à la protection de la vie privée, par exemple les propositions du gouvernement au sujet de l'accès légal qui découlent de la signature par le gouvernement canadien de la Convention internationale sur le cybercrime. Comme nous en avons la capacité technologique, cela nous permet de revenir en arrière et d'examiner les courriels de gens au cours des six derniers mois. Lorsque nous ne pouvions faire cela, ces questions ne se posaient pas. Maintenant que sur le plan technologique nous pouvons le faire, nous devons vérifier les coûts sur le plan de la protection de la vie privée et les avantages.

Je crois que vous avez reçu des renseignements sur ma candidature, ma formation préalable et ma carrière. J'ai été fonctionnaire pendant 20 ans toujours à un poste de direction. J'ai une formation en droit et en sciences sociales. Je suis membre du Barreau du Québec et jusqu'à maintenant, ma carrière a été centrée sur les droits de la personne d'une façon ou d'une autre.

[Français]

Pour terminer, mes priorités, si le Sénat croit bon de confirmer ma nomination, seraient, premièrement, de restaurer la confiance du Sénat dans le Commissariat à la vie privée, dans le fonctionnement de ce bureau, de suivre le plan de M. Marleau. Il a dressé un plan global sur la restauration du bon fonctionnement du bureau et j'entends le suivre. Je souhaite collaborer avec la vérificatrice générale et la fonction publique pour l'instauration de normes appropriées de gestion du personnel et de dépenses des fonds publiques. Dans cette tâche, je serai aidée par les deux commissaires adjoints qui ont été nommés.

Ma deuxième priorité, qui doit se dérouler simultanément avec la première, est de voir à l'entrée en vigueur de la Loi sur le commerce électronique, de collaborer avec les provinces dans sa mise en vigueur et de voir à ce que les Canadiens aient l'information suffisante pour encourager l'observation volontaire.

Ma dernière priorité est de continuer à suivre l'action gouvernementale dans le domaine de la vie privée. On sait que par ces actes même, l'action gouvernementale tend à poser des défis à la protection de la vie privée, que ce soit le cumul des banques de données, l'émergence du gouvernement en ligne pour mieux servir les Canadiens, la question des cartes d'identité, qui est dans l'air et dont parle le ministre Coderre, ou la question de la vidéo- surveillance. Voilà les questions de la vie privée qui se posent au gouvernement. Honorables sénateurs, j'espère que ces quelques observations pourront vous éclairer. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

La présidente: Monsieur Marleau, avez-vous des remarques ou des déclarations à faire?

M. Robert Marleau, commissaire intérimaire, Commissariat à la protection de la vie privée: Honorables sénateurs, si le Sénat le souhaite, je pourrais faire quelques commentaires sur le processus de sélection.

À la fin du mois d'août, j'ai rencontré Son Honneur le Président Hays et le Président Milliken pour leur faire part, afin qu'il n'y ait aucun doute, de mon intention de ne pas poursuivre un mandat permanent aux Commissariat à la protection de la vie privée et que j'avais la ferme intention de quitter ces fonctions au plus tard, le 31 décembre 2003.

[Traduction]

En septembre, j'ai comparu devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes et j'ai annoncé publiquement ma position. J'ai alors exhorté le leader du gouvernement à la Chambre des communes, qui était le principal ministre responsable du dossier, à amorcer le processus de sélection.

Il est devenu de notoriété publique que je n'accepterais pas un mandat permanent. Par conséquent, de nombreux Canadiens ont exprimé leur intérêt au bureau du leader du gouvernement à la Chambre des communes, à moi-même, à mon bureau, au cabinet du premier ministre et au Bureau du Conseil privé.

Les candidatures de tous ceux qui ont exprimé leur intérêt ont été examinées par un comité de présélection composé du leader du gouvernement à la Chambre des communes, d'un représentant du cabinet du premier ministre et de moi-même, en fonction d'un certain nombre de critères. Je pense, honorables sénateurs, que vous avez reçu copie de ces critères de sélection.

[Français]

Je ne m'attarderai pas à vous les énumérer. Les documents sont devant vous.

[Traduction]

À partir d'une liste ramenée à cinq candidats, des entrevues ont alors commencé le 10 octobre et, ce jour-là, un des candidats s'est retiré du processus. Le 17 octobre, les entrevues étaient terminées. Le jury de sélection était composé de l'honorable Don Boudria, leader du gouvernement à la Chambre des communes, de Nicole MacDonald, directrice des nominations au cabinet du premier ministre, de Wayne McCutcheon, directeur général du personnel supérieur au Bureau du Conseil privé, et de moi-même, à titre de commissaire intérimaire à la protection de la vie privée.

Les entrevues, fondées sur une série de critères que vous avez en main, ont porté sur des questions générales, l'expérience, les connaissances et les compétences en matière de gestion, le leadership figurant en tête de liste. Par la suite, le Bureau du Conseil privé a procédé à la vérification des références fournies par la candidate qui s'était classée première, Mme Stoddart, et toutes les références fournies étaient élogieuses et favorables.

Enfin, il y a eu les trois vérifications d'usage en matière de sécurité, une menée par l'ADRC, une autre par le SCRS, et la dernière par les autorités policières locales. Toutes ces vérifications ont confirmé que Mme Stoddart était une candidate compétente et souhaitable.

[Français]

Ce sera l'essence de mes commentaires à ce stade et je serai heureux de répondre aux questions des honorables sénateurs.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella: Je poserai mes premières questions à M. Marleau, mais d'abord, au nom de mes collègues, je tiens à le remercier sincèrement du travail qu'il a fait et du leadership qu'il a montré dans une situation très difficile. Félicitations. Nous vous étions reconnaissants en même temps que rassurés de voir qu'un éminent ancien fonctionnaire du Parlement ferait l'intérim.

Durant la période où vous avez exercé les fonctions de commissaire à la protection de la vie privée, quels aspects administratifs sont ressortis relativement aux dispositions de la loi et aux processus visant à assurer la réalisation des objectifs visés par le Parlement lors de l'adoption de la loi et de la création du bureau?

M. Marleau: Je vous remercie de vos généreux compliments sur ma participation à cet intéressant dossier, sénateur Kinsella.

Pour répondre à vos questions, il y a deux points que je voudrais porter à votre attention et à l'attention de l'ensemble du Sénat.

Le commissaire à la protection de la vie privée est responsable de deux lois: la Loi sur la protection des renseignements personnels et, maintenant, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, adoptée en 2001. Il est devenu évident pour moi, disons six semaines après mon entrée en fonction, que le bureau avait besoin d'une restructuration qui s'articulerait autour de ces deux lois. Il n'était plus question uniquement de la protection des renseignements personnels dans le secteur public. J'ai réalisé qu'il fallait repenser la structure de la gestion de manière à appuyer ces deux lois.

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques est importante parce qu'elle s'appliquera à tout le secteur privé, le 1er janvier 2004, dans les provinces qui n'ont pas adopté une loi semblable.

(1420)

J'ai estimé qu'il nous fallait restructurer notre bureau en fonction de ces deux lois. Nous avons maintenant un commissaire adjoint chargé de la Loi sur la protection des renseignements personnels et un commissaire adjoint chargé de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Le sénateur Kinsella: M. Marleau, dans votre expérience des derniers mois au poste de commissaire à la protection de la vie privée, avez-vous pris connaissance de cas, signalés par des citoyens ou quelqu'un d'autre, qui soulevaient pour vous des questions relativement à certaines institutions gouvernementales relevant de la compétence fédérale qui n'étaient pas efficacement visées par les lois que vous administriez?

M. Marleau: Cette question a été soulevée aussi à l'autre endroit lorsque j'ai comparu au sujet du rapport annuel du bureau. Il y a la question des sociétés d'État et il y a celle des organisations tierces et des ONG, qui peuvent être subventionnées ou recevoir un financement gouvernemental, et ce sont les organisations de ce type, des organisations périphériques, si vous voulez, placées sous régime fédéral, qui ne sont pas visées par la loi.

Le sénateur Kinsella: Madame la présidente, je suppose que c'est le rapport du commissaire à la vie privée, en fait, que nous devrions examiner.

Je suis tenté à la fois de ne pas poser et de poser une question quant à votre opinion sur le point de savoir si le gouvernement devrait exercer une certaine influence pour soutenir notre agent, notre commissaire à la protection de la vie privée, de telle sorte que ces créatures du Parlement, effectivement, soient placées sous la compétence du commissaire à la vie privée.

M. Marleau: Je n'ai aucune hésitation à répondre à cette question directement. Il me paraît quelque peu incongru que la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques soit sur le point de s'appliquer à des entreprises privées, comme des vidéothèques à propriété familiale, et que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'applique pas à de nombreuses sociétés d'État. J'invite le Sénat à étudier cette question de près.

Le sénateur Kinsella: Les honorables sénateurs se souviendront du fait que, de manière tout à fait délibérée, nous avons amorcé un processus dans le but d'informer le commissaire à la vie privée du fait qu'il pouvait se présenter devant le Sénat. Nous avons entendu des commissaires à la vie privée en comité plénier pour qu'ils nous mettent au courant de certaines des difficultés auxquelles le bureau se heurtait, de façon à ce que nous puissions faire peser l'influence du Sénat dans l'intérêt du public. Cela m'amène à la personne nommée.

À l'Assemblée nationale du Québec, avez-vous eu des rapports soutenus avec un comité? Avez-vous comparu devant le comité plénier de l'Assemblée nationale pour lui soumettre des problèmes ou des questions dont vous estimiez qu'elle devait être directement saisie, et avez-vous eu des conversations ou des dialogues, dans le cadre de cette tribune ouverte, avec l'Assemblée nationale?

Mme Stoddart: Honorables sénateurs, non, la relation de la Commission d'accès à l'information du Québec est légèrement différente. Je crois qu'elle est différente en vertu de la loi. La commission du Québec relève du ministère. Toutefois, dans son dernier rapport quinquennal, et l'Assemblée nationale vient de terminer ses audiences publiques sur ce rapport, la commission a officiellement recommandé de relever directement du président de l'Assemblée nationale. Par conséquent, l'organisation, au Québec, envisage ce genre de changement direct.

Jusqu'à maintenant, la commission ne s'est pas adressée à l'Assemblée nationale siégeant en comité plénier. Elle comparaît très souvent devant divers comités. Pendant la première année qui a suivi ma nomination, je suis allée devant un comité de l'Assemblée nationale à sept ou huit reprises, dans le cadre de l'étude de divers projets de loi. On nous demandait notre opinion et notre témoignage.

Nous avons toujours eu des rapports par l'intermédiaire d'un comité. Il existe un comité spécial appelé la Commission de la culture, qui est chargé d'examiner le rapport quinquennal que le ministre dépose devant l'Assemblée nationale tous les cinq ans. On l'examine à intervalle régulier.

Le sénateur Kinsella: Pourriez-vous dire aux honorables sénateurs si, selon vous, la protection de la vie privée fait partie des droits de la personne?

Mme Stoddart: Je crois que la protection de la vie privée est un droit de la personne. En ce qui concerne son statut en regard de la loi, c'est une autre question, mais je crois que la protection de la vie privée est un droit de la personne.

Le sénateur Kinsella: Pour les positivistes du droit qui se trouvent ici, que voulez-vous dire lorsque vous affirmez que le statut juridique est indéterminé?

Mme Stoddart: Pardon, je ne vous ai pas compris.

Le sénateur Kinsella: Si l'on tient pour acquis que les droits ne sont véritablement des droits que s'ils sont reconnus dans une loi, affirmez-vous que le droit à la protection de la vie privée n'est pas un droit selon la loi?

Mme Stoddart: Est-ce que j'affirme qu'il ne s'agit pas d'un droit en vertu de la loi?

Le sénateur Kinsella: Est-ce que la protection de la vie privée est un droit en vertu de la loi?

Mme Stoddart: Je crois que la protection de la vie privée est un droit en vertu de la loi, mais la nature de ce droit dépend évidemment de la loi applicable, dans le contexte canadien.

La présidente: Sénateur Kinsella, votre temps est écoulé.

Le sénateur Kinsella: Merci, madame la présidente.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: J'ai une question relative à la vie privée. Cela se trouve aussi dans la Charte des droits et libertés. Je fais allusion à la jurisprudence de la Charte des droits et libertés, parce que ce n'est pas mentionné comme tel.

Mme Stoddart: Non.

Le sénateur Beaudoin: C'est prévu par la jurisprudence des articles 7, 8, 9 et par certaines lois. Vous avez fait des études supérieures en France et à McGill. Quelle est votre vision de la vie privée? Comment voyez-vous ce concept? Le droit à la vie privée, c'est fondamental.

Mme Stoddart: Ce concept est à la fois un droit qui a toujours existé et un droit un peu implicite dans certaines pratiques et dans d'autres lois de toutes sortes qui diffèrent à travers notre société et à travers les âges. Nous avons toujours profité d'un droit à la vie privée sans que cela soit indiqué «droit à la vie privée». La vie privée est contenue dans les us et coutumes de chaque société.

Dans l'émergence de la jurisprudence anglaise, notre notion légale de la vie privée — personne ne la contestait dans la vie civile — a été développée, peut-être pour la première fois, dans le droit criminel. Toutes les notions de notre droit criminel font allusion à la vie privée. C'est l'une des bases de notre notion à la vie privée. En droit criminel, c'est particulièrement fort et cela se voit maintenant dans les restrictions pour les fouilles et les perquisitions illégales.

(1430)

Le sénateur Beaudoin: La raison pour laquelle je vous pose cette question est que nous sommes des sénateurs et nous avons une vie publique et une vie privée.

La jurisprudence, aux articles 7, 8 et 9 de la Charte et aussi dans d'autres statuts, est fondamentale. Il existe un droit, qu'il vienne de la jurisprudence ou de la Constitution, peu importe, il existe. Un juriste, M. Nadeau, a écrit une thèse sur la vie privée. J'ai eu le plaisir de diriger sa thèse. Il a cerné la signification de ce concept constitutionnel et juridique.

La conception du mot «privacy» est très importante. Considérez- vous que c'est un droit fondamental?

Mme Stoddart: Oui, c'est un droit fondamental dans notre culture juridique. J'ai pu converser avec M. Nadeau. On peut reconnaître que ce n'est pas consacré dans la législation de façon explicite et notamment dans la Charte des droits et libertés. Mais il existe comme droit implicite.

Le sénateur Beaudoin: Avez-vous eu la chance de travailler avec le jurisconsulte du Québec, monsieur le juge Albert Mayrand?

Mme Stoddart: Non, je n'ai pas eu ce privilège.

Le sénateur Beaudoin: C'est avant vous, bien sûr. Sur le plan des statuts, quelle valeur donnez-vous à ces statuts qui sont tantôt fédéraux, tantôt provinciaux et qui touchent directement ou indirectement aux droits à la vie privée? Est-ce des lois quasi constitutionnelles ou de simples lois?

Mme Stoddart: Si vous prenez la Charte des droits et libertés ou la Loi sur la vie privée, expressément consacrée à l'article 5, pour la sphère des lois québécoises, cela a une valeur constitutionnelle. On a souvent dit, je pense qu'il y a un débat entre juristes, que la Loi sur l'accès dans le secteur public québécois a aussi une certaine valeur constitutionnelle parce que c'est une loi qui a préséance sur les autres et qui protège, évidemment, les droits d'accès, mais aussi la protection des renseignements personnels. En cas d'interprétation, on doit tenir compte du caractère de primauté.

Le sénateur Beaudoin: Il y a des lois quasi constitutionnelles. Vous y croyez?

Mme Stoddart: Honorables sénateurs, c'est un grand débat. Je pourrais dire que la Charte québécoise et le galon à mesurer, en premier lieu, a une valeur constitutionnelle pour tout ce qui concerne la législation québécoise. Dans le corpus de législation québécoise, une loi qui a primauté sur d'autres lois, comme la Loi d'accès, — c'est un statut assez unique avec la Charte des droits et libertés — a certainement une valeur constitutionnelle.

[Traduction]

Le sénateur Milne: Mme Stoddart, je m'intéresse beaucoup aux données de recensement historiques. Alors, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de l'accès aux documents historiques de recensement? Permettez-moi de vous expliquer brièvement de quoi il s'agit, car je ne veux pas vous prendre au dépourvu.

Une voix: Vous n'avez que quinze minutes.

Le sénateur Milne: Il a fallu six ans, alors oubliez les 15 minutes.

Toutes les données des recensements effectués au Canada jusqu'en 1906 étaient généralement rendues publiques 92 ans après le recensement. C'est ce que prévoyait la loi jusqu'à tout récemment. Le projet de loi S-13, une mesure d'initiative gouvernementale présentée au Sénat, tend à permettre l'accès contrôlé aux relevés des recensements effectués après 1906, c'est-à-dire aux recensements effectués à partir de 1911, 92 ans après le recensement.

Le projet de loi S-13 est bloqué à la Chambre des communes et j'ai l'impression qu'il le restera qui sait jusqu'à quand. Il y aura sûrement prorogation et des élections avant qu'il soit étudié de nouveau.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Milne: Un député, dont je tairai le nom, mais vous n'avez qu'à consulter le hansard pour le connaître, a refusé que le projet de loi soit renvoyé à un comité. Si le projet de loi meurt au Feuilleton, ce qui risque bien de se produire, comment percevrez- vous d'autres projets de loi similaires qui donneraient accès aux documents historiques de recensement?

Je dois vous dire que Bruce Phillips, à l'époque où il était commissaire à la protection de la vie privée, s'opposait grandement, au départ, à une telle mesure. Il voulait détruire et brûler les vieux relevés de recensement. Il a évolué au fil des ans, comme l'illustrent les réponses qu'il nous a fournies ici, pour finalement se dire en faveur de l'accès contrôlé aux relevés de recensement.

L'ex-commissaire à la protection de la vie privée, qui a depuis quitté son poste, s'était engagé auprès de M. Phillips à respecter cette position. Au cours de son mandat, la politique à l'égard de l'accès aux relevés historiques n'a pas changé. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Stoddart: Merci, honorable sénateur. Il s'agit d'une question qui m'intéresse, comme vous l'avez peut-être lu. À l'époque où j'étais historienne, j'ai lu bien des documents similaires aux relevés de recensement, des documents de la Nouvelle-France et d'autres précédant même la Confédération.

Je connais, en gros, la position du Commissaire à la protection de la vie privée. Je crois que je pourrais accepter cette position sans difficulté. Cependant, j'aimerais ajouter une note personnelle — et je fais cette remarque spontanément — en disant qu'une période de 92 ans me semble beaucoup trop courte.

Nous Canadiens vivons de plus en plus longtemps; je ne me souviens pas de la moyenne exacte, mais je crois que c'est 80 ans environ. Cela signifie que bon nombre d'entre nous atteindrons un âge beaucoup plus avancé que 80 ans. Je me reporte à l'histoire de ma propre famille et, en remontant jusqu'aux recensements de 1906 et 1911, je vois que mes grands-parents vivaient encore. Je me souviens très bien de mes grands-parents. Je ne suis pas certaine que le temps soit venu d'étaler au grand jour la vie des gens qu'on a connus de leur vivant.

Encore là, tout dépend de ceux qui auront droit d'accès aux données. Les historiens professionnels sont très sensibles à la nécessité de protéger la vie privée maintenant. Cependant, il ne faut pas oublier que les Canadiens répondent franchement aux questionnaires des recensements parce qu'ils croient que la confidentialité des données sera assurée.

Il me semble donc qu'une période de 92 ans ne suffit pas. Je dirais spontanément qu'une durée plus longue protégerait mieux la confidentialité des informations sur les familles à une époque où les gens vivent plus longtemps, et qu'un délai de 92 ans est bien trop court. Après tout, nous parlons de renseignements personnels, pas de données combinées; il est tout à fait possible de faire des liens avec des personnes précises qui habitaient en un lieu donné, et ainsi de suite. En parcourant les données du recensement, on pourrait découvrir des détails concernant nos familles qui contrediraient ce qu'on avait toujours cru.

Ma réaction spontanée serait de demander s'il ne vaudrait pas mieux proposer une période un peu plus longue.

[Français]

Le sénateur Lynch-Staunton: Avant de m'adresser à vous, madame, permettez-moi de m'adresser à M. Marleau pour lui répéter les paroles du sénateur Kinsella.

(1440)

[Traduction]

Merci, M. Marleau, d'avoir assumé une telle responsabilité dans des circonstances aussi peu favorables. Je crois comprendre que vous laissez à Mme Stoddart une organisation qui fonctionne bien et dont elle pourra améliorer la marche pour rétablir, au bureau, une situation plus normale.

[Français]

Je veux vous demander surtout, madame Stoddart, quelles sont les grandes différences entre la loi qui régit le commissaire — je n'ai pas le titre exact de son homologue au Québec — et la loi qui va maintenant vous régir? Y a-t-il un article de la loi du Québec qui devrait être inclus dans la loi du Canada ou réciproquement?

[Traduction]

Avez-vous repéré dans la Loi sur la protection des renseignements personnels des imperfections que vous voudriez corriger? Y a-t-il des améliorations qui pourraient être inspirées par la loi québécoise? Quelles sont les grandes différences par rapport aux pouvoirs qui vous sont accordés dans les domaines qui vous concernent? À quels ministères avez-vous accès? Cela s'appliquera-t-il au Québec? Pourrez-vous faire la transition entre le Québec et l'échelon fédéral sans être forcée de vous réadapter aux règles qui vous régiront?

Mme Stoddart: Merci, honorable sénateur. Je vais devoir me réadapter, car les lois du Canada sont légèrement différentes en matière de protection de la vie privée, dans la pratique et les usages. Les interprétations préalables sont propres à la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels. Les mêmes principes sont respectés dans les deux lois. Toutefois, la Commission d'accès à l'information du Québec est un tribunal administratif qui entend des causes d'accès à l'information, surtout, et fait enquête sur des questions de protection de la vie privée. Elle rend environ 400 décisions par année. Une partie importante de son travail, soit environ la moitié, consiste à entendre ces causes. Elle surveille également l'application de la loi et conseille le gouvernement. Ces éléments sont peut-être semblables dans les deux commissions.

Au Québec et dans bien des provinces, comme l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique, l'accès à l'information et la protection de la vie privée relèvent d'une seule loi, et un seul organisme s'occupe des deux. Ce système est en place au Québec depuis 20 ans. Il s'applique également à la législation visant le secteur privé. Comme vous le savez, le Québec demeure jusqu'ici la seule province où on a adopté une loi visant le secteur privé. L'ancien commissaire Radwanski estimait qu'elle était très semblable à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

La commission joue le même rôle dans l'application de la loi visant le secteur privé. La Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit la mise sur pied d'une commission distincte, qui existe aussi depuis 20 ans. Elle a opté pour un modèle de type ombudsman: le commissaire peut faire enquête et tirer des conclusions, mais il ne peut rendre des ordonnances.

C'est sans doute la principale différence. Par contre, le commissaire à la protection de la vie privée peut porter une cause devant la Cour fédérale, mais cela est peu fréquent, me dit-on. Un plaignant peut aussi s'adresser à la Cour fédérale s'il est mécontent des conclusions du commissaire. Dans un cas, le modèle est fondé sur la persuasion, dans l'autre sur l'aspect exécutoire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez dit que le commissaire à la vie privée du Québec relève d'un ministre et qu'on espérait que l'on prenne les mesures nécessaires pour qu'il relève du président de l'Assemblée nationale. Est-ce exact?

Mme Stoddart: Si vous me permettez d'apporter une correction à cela, honorable sénateur, le commissaire ne relève pas directement du ministre. Pour ce qui est de la Loi sur l'administration financière et de la Commission d'accès à l'information du Québec, une exception permet qu'il y ait cinq commissaires, et j'assume la présidence. Il y a quatre autres commissaires. Tous les ans, nous établissons nous-mêmes nos objectifs et notre plan d'action, que nous n'avons pas à faire approuver par le ministre. Nous n'avons pas de lien de dépendance avec le gouvernement. Honorable sénateur, vous avez bien compris que nous avons dit qu'il serait préférable que la commission relève de l'Assemblée nationale du Québec.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ne préfériez-vous pas que la commission soit un organisme autonome qui ait plus de pouvoir de décision, que seul le Parlement pourrait annuler?

Mme Stoddart: C'est ce que nous avons proposé. Elle correspondrait à un mandataire du Parlement. Nous pourrions alors être un organisme de l'Assemblée nationale du Québec, comme l'est le bureau du vérificateur général. C'est ce que nous avons proposé comme premier choix.

Le sénateur Lynch-Staunton: Comme dernière question de cette ronde, je demande s'il y a une collaboration étroite entre les commissaires à la protection de la vie privée des provinces et leur homologue fédéral. Il va sans dire qu'une telle collaboration ne porte pas sur l'information, mais sur l'expérience, les efforts pour uniformiser et rendre le système aussi homogène que possible et sur la confirmation, tant à l'échelon provincial que fédéral, des droits en matière de protection des renseignements personnels de tous les citoyens. Est-ce que, dans la pratique, chaque commissaire travaille de façon isolée dans son propre territoire?

Mme Stoddart: Non, d'après mon expérience, il y a une très étroite collaboration. Tous les commissaires à la protection de la vie privée, d'un océan à l'autre, sont des personnes dévouées et sincèrement intéressées à la protection des renseignements personnels. Les commissaires se rencontrent aussi fréquemment que possible, compte tenu de leurs budgets respectifs. Ils tiennent une réunion annuelle officieuse, font de fréquentes téléconférences en groupe ou deux à deux et ont des conversations téléphoniques sur des questions d'intérêt commun. Essentiellement, dans toutes démocraties, les questions de protection de la vie privée se ressemblent énormément. Il existe un solide réseau de protection de la vie privée au sein duquel on trouve énormément d'affinités et d'entraide.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne veux pas avoir une attitude de provocation, mais si je laissais entendre que la protection des renseignements personnels est davantage un espoir qu'une réalité, pour des raisons évidentes, comment réagiriez-vous?

Mme Stoddart: En maintes circonstances, la protection des renseignements personnels est une réalité. Je crois que la protection de la vie privée existe et qu'elle continuera d'exister. Elle doit exister. Toutefois, ce n'est pas uniquement un espoir. La protection de la vie privée est sérieusement menacée par la technologie et par la situation internationale, tributaire des mutations de l'ordre mondial. Oui, c'est toujours un espoir, mais c'est également une réalité.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je crois que votre prédécesseur a fait de l'excellent travail et qu'il s'est engagé activement dans plusieurs domaines, notamment en critiquant le gouvernement d'avoir, selon lui, porté atteinte à la vie privée dans certains projets de loi. Le projet de loi C-17, qui est actuellement à l'étude au Sénat et qui constitue le deuxième volet du train de mesures antiterroristes du gouvernement, contient des menaces pour la vie privée. Lors de la présentation du projet de loi C-36, l'ex-commissaire à la protection de la vie privée n'a pas hésité à se faire entendre. Qu'on soit ou non d'accord avec ses vues, c'était rafraîchissant de l'entendre les exposer au Parlement. Ces vues ont eu une influence sur la teneur définitive du projet de loi. Seriez-vous capable de signaler au gouvernement, sans aucune hésitation, toute menace contre la vie privée qui peut se trouver dans les projets de loi qui sont présentés au Parlement? Est- ce que vous nous donnerez l'alerte?

(1450)

Mme Stoddart: Tout à fait. C'est là l'une des principales fonctions du commissaire à la protection de la vie privée. Si ce dernier ne parle pas aux Canadiens, au Sénat et à la Chambre des communes des menaces à l'égard de la vie privée, tout cet aspect pourrait bien être oublié. C'est très important. Nous avons vu, au cours des trois dernières années, apparaître de nouvelles mesures législatives tout à fait sans précédent et je continuerai de jouer un rôle actif dans ce domaine parce qu'elles sont très importantes. Nous prenons des décisions historiques dans le cas de mesures de ce genre et vous devez entendre tous les aspects de l'affaire et tenir compte de toutes les conséquences avant de prendre votre décision finale.

[Français]

Le sénateur Lynch-Staunton: Votre prédécesseur a fait de l'excellent travail quant à sa façon de procéder et je vous encourage à suivre le même chemin. Je vous souhaite bonne chance dans vos nouvelles fonctions.

Le sénateur Gauthier: Il existe une procédure différente pour chacun des cinq hauts fonctionnaires du Parlement. Advenant que vous soyez confirmée à ce poste, vous feriez partie de ce groupe.

M. Marleau a été greffier de la Chambre des communes. Il avait notre confiance et avait prêté le serment d'allégeance en tant que haut fonctionnaire de la Chambre des communes. Aucun des hauts fonctionnaires du Parlement n'est tenu de prêter ce serment d'allégeance, sauf les greffiers de la Chambre des communes et du Sénat. M. Marleau le dit lui-même dans un livre qu'il a écrit. Qu'en pensez-vous?

Mme Stoddart: J'apprends ce fait à l'instant. Cela m'étonne. J'ai été assermentée par le président de l'Assemblée nationale en tant que présidente de la Commission d'accès et je suis toujours liée par ce serment. J'ai été vice-présidente de la Commission des droits de la personne et j'ai été assermenté aussi par le président de l'Assemblée nationale.

Le sénateur Gauthier: Très peu de personnes sont au courant de ce fait. La réalité est qu'il n'y a pas de formule expressément prévue pour assermenter un haut fonctionnaire du Parlement. Dois-je tenir pour acquis que vous êtes en faveur d'une assermentation au poste de commissaire à la protection de la vie privée?

Mme Stoddart: Oui, absolument.

Le sénateur Gauthier: Il n'y a pas de formule commune. C'est une formule spéciale pour chacun des hauts fonctionnaires et c'est un peu de la négligence de notre part. Le commissaire à la protection de la vie privée est nommé suite au consentement de la Chambre des communes et du Sénat, sur proposition du premier ministre ou du Conseil privé. Le vérificateur général et le directeur général d'Élections Canada sont nommés sur recommandation du premier ministre et de la Chambre des communes, mais pas du Sénat. Les trois autres hauts fonctionnaires doivent être soumis à l'examen des deux Chambres. Je vais essayer de convaincre mes collègues d'uniformiser cela. Certains députés à la Chambre des communes sont sympathiques à cette formule pour uniformiser toutes les procédures de nomination des hauts fonctionnaires.

Si on exige que vous prêtiez le serment d'allégeance, y consentiriez-vous?

Mme Stoddart: Oui.

Le sénateur Gauthier: Votre commissariat n'est pas ouvert à la Loi sur l'accès à l'information. Ai-je raison?

Mme Stoddart: Cela a récemment changé. Le commissaire intérimaire, M. Marleau, s'est déjà prononcé sur cette question.

M. Marleau: Vous avez parfaitement raison. La Loi sur l'accès à l'information ne s'applique pas en ce moment au Commissariat à la protection de la vie privée, mais j'ai fait des déclarations publiques selon lesquelles je n'avais aucune hésitation à demander un amendement à cette loi assujettissant notre commissariat à une plus grande transparence, compte tenu de la protection de certains dossiers sur la vie privée.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: J'aimerais souhaiter la bienvenue au Sénat à Mme Stoddart. Nous nous sommes déjà rencontrées dans d'autres circonstances. Mme Stoddart ne sera pas étonnée que je lui pose une question portant sur les jeunes.

Ma question touche plus précisément le droit d'un enfant à la protection de sa vie privée et la Convention relative aux droits de l'enfant, que le sénateur Kinsella a brièvement mentionnée en parlant des droits de la personne et des garanties juridiques. Une de mes préoccupations concerne la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et le degré de communication des casiers judiciaires des jeunes aux autorités scolaires et autres.

Sans entrer dans les détails, je voudrais savoir dans quelle mesure vous pensez devoir examiner tous les projets de loi pour déterminer quelles sont leurs répercussions sur la protection de la vie privée et comment nous pourrons respecter les obligations que nous avons acceptées dans le cadre de certaines conventions et autres ententes.

Mme Stoddart: Je vous remercie de votre question, sénateur Pearson. Dans l'exercice de ses fonctions courantes, le commissaire à la protection de la vie privée doit examiner les nouvelles lois afin de vérifier leurs répercussions sur la protection de la vie privé et il doit, au besoin, faire des recommandations et des observations à leur sujet.

Comme vous l'avez dit, nous nous intéressons toutes les deux aux questions qui concernent les jeunes, mon intérêt en la matière datant du temps que j'ai passé à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. J'ai continué à m'intéresser à ces questions dans l'exercice de mes fonctions récentes concernant l'accès à l'information. Lorsque j'ai commencé à travailler à la Commission d'accès à l'information du Québec, j'ai constaté que tous les commissaires partageaient mes préoccupations quant au nombre de dossiers de jeunes faisant l'objet de demandes d'accès à l'information — non pas de la part des jeunes concernés, mais généralement de la part d'un parent impliqué dans un autre litige ou aux prises avec d'autres problèmes.

Nous avons recommandé à l'Assemblée nationale du Québec que, pour les demandes d'accès à l'information et les cas de protection des renseignements personnels relevant des lois provinciales, l'enfant soit représenté conformément aux obligations incombant au Canada et, par conséquent, au Québec, aux termes de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Nous sommes vivement préoccupés par les disputes sur la question de savoir qui peut avoir accès aux dossiers scolaires, aux dossiers de police et autres, et par les interventions de la part de parents qui veulent savoir ce que leur enfant a dit, et cetera. Dans notre esprit, il est clair que c'est l'intérêt de quelqu'un d'autre qui a préséance. Par conséquent, nous pensons que cela pourrait faire l'objet d'une modification importante.

Je vous donne cet exemple pour montrer à quel point la question des droits des enfants me tient personnellement à coeur.

Le sénateur Comeau: Mme Stoddart et M. Marleau, c'est avec plaisir que nous vous accueillons au Sénat. Je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais revenir sur la question soulevée par le sénateur Milne, au sujet de la promesse de confidentialité relative au projet de loi sur les recensements. Selon le projet de loi proposé à l'époque, la promesse à l'égard du recensé arrive à échéance au bout de 92 ans. Elle meurt avec le recensé.

(1500)

Je crois que même les plus ardents partisans du projet de loi estiment que cette promesse a été faite et qu'il existe une mention «à consommer avant» telle date. Après 92 ans, la mention «à consommer avant» a disparu. Le problème, c'est que lorsque la promesse a été faite, elle ne portait pas de date de péremption.

Vous avez dit que 92 ans n'est peut-être pas une période assez longue. En fait, si la promesse faite n'était pas assortie d'une date de péremption, le fait qu'il se soit écoulé plus de 92 ans depuis diminue- t-il la valeur de la promesse?

Mme Stoddart: Honorable sénateurs, il m'est difficile de vous donner une réponse précise. Il faudrait que j'étudie exactement ce qu'on a dit aux Canadiens il y a 92 ans. Je n'ai pas étudié cette question récemment et je ne sais pas ce qu'on leur a dit.

Le sénateur Comeau: Si vous voulez bien.

Mme Stoddart: Je le ferai.

Le sénateur Comeau: Ce qui me préoccupe, à propos de ce projet de loi, c'est qu'une promesse a été faite. Si nous souhaitons faire adopter un projet de loi qui dit: à partir de maintenant, il n'y aura pas de promesses de confidentialité, ou les promesses de confidentialité ne valent que pour 92 ans, nous pouvons le faire. Toutefois, nous avons le devoir de tenir les promesses de nos prédécesseurs. Si nous commençons à dire que lorsque nos prédécesseurs disparaissent, leurs promesses disparaissent avec eux, les Canadiens ne tarderont pas à dire que les promesses que font les politiciens par écrit ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites. Il serait peut-être bon que vous vous penchiez sur cette question.

Je conseille déjà aux électeurs qui me posent des questions sur le recensement d'être très prudents, parce que deux ministres fédéraux, Sheila Copps et Allan Rock, ont déclaré qu'il était parfaitement légitime de faire cela.

Ma deuxième question porte sur un projet de loi que nous avons adopté il y a quelques années sur l'enregistrement des armes d'épaule. Sans aborder la question du bien-fondé de ce projet de loi, il contenait des dispositions en vertu desquelles on demanderait des informations aux Canadiens qui souhaitaient obtenir un permis de possession de ces armes à feu. Figuraient notamment parmi les questions: avez-vous eu récemment un problème de santé mentale? Venez-vous de terminer une relation avec quelqu'un? Avez-vous récemment échoué à un test? Vous a-t-on congédié de votre emploi? Ce sont là des questions très lourdes de sous-entendus sur des sujets d'ordre personnel; il fallait y donner réponse par «oui» ou par «non» et les réponses sont enregistrées dans des dossiers gouvernementaux.

Les Canadiens devraient-ils se faire poser des questions auxquelles ils doivent répondre «oui» ou «non»? Si quelqu'un a récemment fait une dépression, cette information devrait probablement demeurer le secret d'un médecin et de son patient; mais à présent le gouvernement dit que, si cette personne veut obtenir un permis pour une arme, nous devrions en être informés.

Qu'en pensez-vous?

Mme Stoddart: Honorables sénateurs, il m'est difficile de vous répondre de façon tant soit peu détaillée, puisque je n'ai pas examiné moi-même ce projet de loi. Cependant, je sais que le Commissariat à la protection de la vie privée émettait de sérieuses réserves à ce sujet, il y a quelques années, et j'ai entendu exprimer publiquement que ces questions portent fortement atteinte à la vie privée.

D'après ce que je comprends, elle font l'objet d'un examen permanent de la part du Commissariat à la protection de la vie privée. Sans porter d'emblée un jugement sur ce projet de loi, je dirais que de telles questions sont habituellement du domaine confidentiel entre médecin et patient, comme vous dites.

Le sénateur Comeau: La maladie mentale est encore stigmatisée et fait parfois l'objet d'une certaine attention malvenue dans une collectivité; c'est pourquoi les gens ont tendance à éviter de la révéler en public. Ce qui me préoccupe, c'est que si le gouvernement pose ce type de questions, les gens ne chercheront pas à obtenir l'assistance médicale dont ils auraient besoin afin de se procurer une arme à feu. Les gens qui auraient précisément besoin d'aide ne se la procureront pas, parce qu'ils ne voudront pas que cette information figure à leur dossier.

Je m'attendrais à ce qu'un commissaire à la protection de la vie privée comprenne que ces questions causent davantage de problèmes à la société en raison de leur caractère intrusif, parce que les gens ne chercheront pas à obtenir l'aide dont ils ont besoin. Je voudrais que le commissaire à la protection de la vie privée tente de dissuader le gouvernement de poser des questions aussi indiscrètes, parce que je ne crois pas que ce soit là le genre de société que nous souhaitons.

Mme Stoddart: Nous sommes entièrement d'accord avec les principes en jeu. En premier lieu, il me semble que ce genre de questions indiscrètes n'a pas sa place dans une telle procédure.

En deuxième lieu, il y a le problème de l'exactitude des réponses données à des questions posées hors du contexte médical ou de leur utilité quant aux mesures préventives destinées aux personnes qui peuvent avoir des problèmes de santé.

Le sénateur Comeau: Quand j'ai posé la question aux fonctionnaires, ils m'ont dit que, lorsque des enquêteurs se rendaient dans la collectivité pour assurer le suivi de ces questions, ils n'informaient pas les voisins de la personne des raisons de ces questions.

Comment une personne peut-elle se rendre dans une petite localité, où il y a parfois beaucoup d'armes à feu, et poser des questions sur la santé mentale d'une personne ou sur la fin récente d'une relation? Je ne suis pas certain que quelqu'un souhaite écrire qu'il vient de rompre une relation. Une personne pourrait ne pas apprécier apprendre que son conjoint vient de mettre fin à une relation au moyen des questions posées sur des documents de la sorte.

Ce genre de choses ne devrait pas se produire dans notre société, et j'aimerais trouver quelqu'un pour défendre ce point de vue.

[Français]

Le sénateur De Bané: Monsieur Marleau et moi sommes arrivés au Parlement presque en même temps. Cet homme a su gagner la confiance de tout le monde par son efficacité au travail et par la confiance qu'il a générées dans tous les milieux au Parlement. Je vous transmets, M. Marleau, mon amitié et mon estime.

Je voudrais vous dire, madame Stoddart, combien la qualité des échanges que vous avez eus avec mes collègues m'a impressionné. Vous avez une capacité d'analyse hors du commun. Vous m'avez beaucoup impressionné. Je comprends donc pourquoi les membres du jury, qui ont interviewé un grand nombre de candidats, vous ont finalement choisie.

La question du droit à la vie privée, comme un juge de la Cour suprême des États-Unis l'a dit «The right to be left alone», est un droit fondamental pour moi, tout comme le droit de s'exprimer et de crier ses convictions.

[Traduction]

Le droit qu'on nous laisse tranquille est un droit fondamental et, pour moi, un droit fondamental est synonyme d'un droit qui ne peut être dissocié de la dignité humaine. Dévêtir une personne ou divulguer ses secrets représente la même humiliation.

Je suis très intéressé à entendre, en quelques mots, vos convictions au sujet du droit à la vie privée.

(1510)

Mettons de côté la loi en vigueur dans notre pays ou dans un autre. Sur le plan idéologique, quelle est votre position sur le droit d'une personne d'être laissée tranquille?

Lorsque je dis cela, je pense au site Web http://www.411.ca. Je rentre dans ce site et j'inscris un numéro de téléphone; j'obtiens alors le nom et l'adresse de la personne. Ensuite, on me demande si je suis un camarade de classe de cette personne. Voulez-vous lui envoyer des fleurs? Voulez-vous connaître son casier judiciaire? Voulez-vous connaître sa cote de crédit? Il y a tout là-dedans. Pour chaque question, vous devez payer un montant donné avec votre carte de crédit. On n'a plus le droit d'être laissé tranquille. Il suffit de consulter Google pour trouver des renseignements sur tous les sénateurs, pour tout savoir sur eux.

Ce droit est, pour moi, l'autre côté de la médaille du droit que j'ai de faire part de mes convictions. De nos jours, si l'on veut avoir la paix, c'est de moins en moins possible. J'aimerais bien entendre vos convictions, votre idée là-dessus, et oubliez la loi au Canada et dans d'autres pays. Quelle est votre position sur la question du droit à la protection de la vie privée?

[Français]

Mme Stoddart: C'est un droit très important et une valeur importante dans ma vie privée. Je suis personnellement une personne privée, je garde ma vie privée pour moi. Vous ne voulez pas entendre parler de la législation, mais plutôt des valeurs.

Vous avez cité, je pense, Oliver Wendell-Holmes qui a donné cette définition de la vie privée.

Il existe beaucoup d'autres définitions que je ne maîtrise pas par cœur. Une des choses qui est importante lorsque nous parlons de la philosophie de la vie privée, est que la vie privée est une valeur qui se module dans le temps, d'après notre expérience de vie, d'après notre position dans la société, d'après notre perspective actuelle et passée.

Il n'y a pas un droit privé avec une définition, je dirais, qui n'est pas malléable.

Le sénateur De Bané: Est-ce que j'ai le droit de tout savoir sur vous? Je ne le pense pas.

Mme Stoddart: Non, mais dans certaines circonstances, pour répondre à la malléabilité de ce concept, vous avez peut-être le droit de savoir certaines choses. C'est là notre rôle. Un commissaire éventuel à la vie privée doit vous conseiller et vous, comme législateurs, devez déterniner: «Dans quelles circonstances exceptionnelles je permettrais qu'on sache quelque chose sur quelqu'un pour des questions d'ordre public, pour les gens vulnérables comme les enfants, et cetera». Il y a des exceptions.

La vie privée est maintenant dans toute la modulation de ce droit par rapport aux autres aspects de la vie en société qui, pour les juristes, passe souvent par les droits. Vous avez parlé de l'effet «de se faire chercher» sur l'Internet. C'est intéressant dans l'existence de l'Internet qui existe depuis à peine 10 ans. Au début, on trouvait que l'Internet était extraordinaire, c'était la liberté totale. Tout le monde va sur Internet, il existe en dehors de l'espace et en dehors des gouvernements. De plus en plus apparaît la nécessité de contrôler Internet, justement pour éviter les pires excès d'attaque à la vie privée.

Un organisme international travaille sur ce sujet et bientôt cela intéressera l'UNESCO et les Nations Unies. Les effets pervers sont devenus incontrôlables à cause de ce que vous avez cité.

La présidente: J'aimerais simplement vous rappeler que 10 sénateurs veulent poser des questions et qu'il nous reste 45 minutes.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk: Je voudrais me faire l'écho de toutes les louanges bien méritées que M. Marleau reçoit et lui poser une question avant de m'adresser à Mme Stoddart.

Le premier commissaire à la protection de la vie privée, M. Phillips, occupait son poste avant que je n'arrive ici, mais il a été accusé de jouer un rôle politique et ce, de façon tout à fait injustifiée, car il s'est très bien acquitté de son devoir. Le deuxième commissaire à la protection de la vie privée a également été taxé de caractère politique, et on a maintenant donné raison à ceux qui signalaient des difficultés, alors que ceux d'entre nous qui ont voté pour lui avons dû réfléchir quant à savoir si nous nous étions bien acquittés de notre travail ou non.

Nous en sommes maintenant au troisième processus. Avec votre expérience, j'ignore si vous savez comment les deux premiers commissaires à la protection de la vie privée ont été nommés dans le cadre du processus parlementaire et en quoi ce processus est différent et meilleur, on l'espère. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez? Croyez-vous que ce soit un meilleur processus pour ce qui est du comité de sélection, de que la Chambre a fait et de ce que nous faisons? Pourriez-vous commenter de façon générale avec le recul que vous avez par rapport à la Chambre?

M. Marleau: Merci, sénateur, je me sens libre d'exprimer mon opinion.

Je ne connais pas dans le détail le processus que le bureau du Conseil privé ou le cabinet du premier ministre a utilisé pour la nomination de M. Phillips ou de M. Radwanski. Je connais le processus parlementaire, qui a été plus ouvert et plus transparent. Par intérêt, j'ai lu certains des comptes rendus cet été.

Cette fois-ci, la différence vient du fait que j'ai pris l'initiative de convaincre le leader du gouvernement à la Chambre qu'il était urgent d'effectuer une nomination, étant donné que j'avais l'intention de quitter mon poste en décembre, que j'étais profondément convaincu que l'on ne pouvait se permettre de nommer un autre commissaire intérimaire et qu'il fallait recruter le meilleur candidat possible, compte tenu du temps et des moyens dont nous disposions.

Ce qui fut différent cette fois-ci, c'est que j'ai participé à l'élaboration des critères de sélection ainsi que des questions d'entrevue. J'ai aussi participé au processus d'entrevue. J'ai également ajouté à la liste le nom de trois commissaires provinciaux, non parce que c'étaient mes candidats privilégiés, mais bien parce que c'étaient des professionnels en exercice qui méritaient que l'on tienne compte de leur candidature; deux ont passé l'entrevue, et un s'est retiré.

Ce qui fut différent cette fois-ci, et ce que je peux vous dire en qualité de haut fonctionnaire relevant de vous, bien que je n'aie pas été confirmé par le Sénat, c'est qu'en ma qualité de haut fonctionnaire du Parlement, j'ai participé au processus de sélection. Il est inhabituel pour le commissaire sortant de participer au choix du prochain commissaire. Je ne recommanderais pas cela comme étant la formule magique. Toutefois, il se peut que le Sénat et la Chambre des communes souhaitent participer à la confirmation des critères de sélection, sinon au jury de sélection, et certes confirmer le profil ou la composition de ce dernier. Il n'est pas nécessaire que leur représentant soit quelqu'un du Parlement, mais ce pourrait être une personne désignée par le Parlement. À ce stade, vous avez une assurance raisonnable que l'on a tenu compte de vos intérêts au moment de régler certains des problèmes de fonctionnement les plus bureaucratiques, si je peux m'exprimer ainsi.

Le sénateur Andreychuk: En dernière analyse, notre principale préoccupation a été de faire notre travail. Cette nomination est venue trop rapidement. Selon moi, si nous voulons que ce poste bénéficie du soutien et de la transparence voulus, il nous faut davantage de lignes directrices et un processus nous donnant l'assurance que nous avons fait ce qu'il faut. Je vous remercie de nous orienter dans la bonne direction.

Madame Stoddart, vous apportez à ce poste des antécédents professionnels et de la crédibilité. Au moment où M. Marleau avait accédé à son poste, il lui avait redonné de la crédibilité et nul doute qu'il en sera de même dans votre cas. Votre dossier révèle certes que nous devrions être confiants que vous y arriverez.

En voyant agir le commissaire à la protection de la vie privée durant toute la période d'anti-terrorisme, j'en suis venue à la conclusion que nous entrons dans des temps nouveaux. Le commissaire à la protection de la vie privée, s'adressant au Parlement ou à la population du Canada, a présenté des observations de caractère général sur les inquiétudes à l'égard de la protection de la vie privée, qui se sont rapidement traduites par l'appui ou par l'opposition des politiciens à certains articles de mesures législatives.

(1520)

J'ai pensé qu'il ne s'agissait peut-être là que de cas isolés. Mais il me semble que le piège dans lequel pourrait se retrouver la prochaine commissaire à la protection de la vie privée tiendrait au fait qu'il lui serait demandé soit de défendre les projets de loi du gouvernement, soit de s'y opposer. Cela m'inquiète parce que cela exigerait que l'on passe du général au particulier, ce qui compromettrait le devoir de la commissaire envers tous les citoyens, si je puis dire. Je dis cela parce que la commissaire devrait prendre position d'un côté ou de l'autre à des moments critiques, alors qu'une telle décision, au fond, devrait faire l'objet d'un débat politique, non pas d'un débat juridique.

Si vous avez réfléchi à cette question, comment proposeriez-vous de traiter ce problème?

Mme Stoddart: Honorables sénateurs, je n'ai pas réfléchi à ces questions précises dans le cadre du présent poste. Mais cela correspond à une situation qui se présente dans le cadre du poste que j'occupe actuellement à Québec. Lorsque l'Assemblée nationale siège, j'y suis confrontée pratiquement chaque semaine ou chaque deux semaines, en tout cas au moins une fois par mois, aux réunions de la commission. J'ai l'habitude d'une telle situation. Je crois vous avoir entendu dire que cela allait contre le bien public, sénateur.

Le sénateur Andreychuk: Je ne voulais pas parler du bien public. Lorsqu'on arrive à l'étape du débat à la Chambre des communes ou au Sénat et que quelqu'un est appelé comme témoin, on constate qu'un projet de loi a ses défenseurs et ses détracteurs. Dès lors que vous donnez votre avis, votre influence semble s'exercer dans un sens ou dans l'autre.

Compte tenu que vous servez tous les Canadiens, votre opinion peut parfois être mal interprétée et votre rôle peut être politisé. C'est l'inquiétude que je ressens de plus en plus au sujet de ces projets de loi que, je pense, nous verrons plus souvent à cause, comme vous le disiez, du monde dans lequel nous vivons maintenant.

Mme Stoddart: On attend du commissaire à la protection de la vie privée qu'il prenne position, sans tenir compte des avantages, désavantages ou conséquences politiques. Le commissaire a pour rôle de conseiller le Parlement sur les répercussions d'un projet de loi sur la vie privée. Il n'a aucun contrôle sur l'interprétation qu'on fera de son point de vue.

Cela ne devrait aucunement influer sur le jugement du commissaire. Son rôle consiste à donner l'opinion la plus éclairée possible, compte tenu du contexte du projet de loi à l'étude et de ses modalités d'application.

Comme je le disais, j'ai une certaine expérience de la chose. Elle ne contribue pas toujours à notre prestige. Il est parfois difficile, pour le public, de comprendre les opinions exprimées.

Par exemple, au Québec, nous nous sommes prononcés contre un plan qui visait à remplacer la carte d'assurance-maladie par une carte électronique. Nous sommes en faveur de la carte électronique. Nous nous opposions cependant au fait que cette carte aurait été reliée à une nouvelle base de données centralisée contenant des renseignements sur la santé des gens. Nous avons dit que le projet ne nous semblait pas mûr. On a beaucoup critiqué notre position, parce que, entre autres choses, on jugeait le projet bon pour la santé des Québécois.

En fin de compte, d'autres partageaient notre point de vue, et le projet a été retiré, pour faire l'objet d'un examen plus approfondi.

Personnellement, j'ai dû prendre une position impopulaire. Certains éditorialistes nous ont vertement critiqués, soutenant que des positions pareilles ne nous permettront jamais d'avoir un système de santé moderne. Nous avons répondu qu'il ne fallait pas aller trop vite, et qu'il fallait songer à la protection de la vie privée lorsqu'on projetait de modifier l'organisation de l'information sur la santé.

Le sénateur Andreychuk: Étant donné l'heure, je vais soulever d'autres points, mais je ne m'attends pas à recevoir des réponses.

Je pense aux devoirs qui nous incombent en vertu des conventions et traités internationaux qui comportent des conditions et des dispositions concernant le respect de la vie privée, et à leur répercussion sur la situation actuelle au Canada où nous devons rechercher le juste équilibre entre le droit à diverses libertés et au respect de la vie privée d'une part, et le droit à la sécurité d'autre part. Je crois que cet équilibre est important.

Cela dit, j'espère que le dialogue se poursuivra sur les points fondamentaux et notamment sur le point soulevé par le sénateur De Bané, qui soutient que le respect de la vie privée est une question à connotation culturelle. En ma qualité d'historienne, voilà un aspect que j'approfondirai plus tard.

Le sénateur Moore: J'aimerais vous poser une question, Mme Stoddart. Existe-t-il certains éléments, dans votre vie personnelle, sur le plan financier ou autrement, ou pouvez-vous imaginer l'émergence de quoi que ce soit qui pourraient avoir une incidence négative sur le poste que vous occuperez et les gens que vous servirez, ou qui pourraient vous distraire ou vous empêcher d'accomplir consciencieusement les devoirs et les tâches rattachés à ce poste?

Mme Stoddart: Non, honorables sénateurs, je ne le crois pas.

[Français]

Le sénateur Prud'homme: Je voudrais vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues. Je voudrais aussi — je vais être très dur — remercier M. Marleau, que je connais bien, d'avoir à mon sens «nettoyé les écuries d'Augias» et redonné à tous les membres du personnel, auquel je suis très attaché, l'assurance que, enfin, ils vont pouvoir s'exprimer librement selon leur talent.

J'ai toujours soutenu M. Phillips; j'étais libéral, je l'ai défendu, j'ai voté pour lui. Je ne m'excuserai pas pour dire que j'ai violemment défendu ma position en m'opposant à la nomination de M. Radwanski et, contrairement à la coutume voulant que l'on fasse preuve de gentillesse et que l'on adopte une motion avec dissidence, j'ai, selon le Règlement du Sénat, forcé un vote. J'avais des raisons. Je ne vous donnerai pas ces raisons, madame, mais je vous donnerai le dossier de sa comparution au Sénat. Cela pourra vous aider, je l'espère humblement, dans votre travail.

Je suis certain que les sénateurs Kinsella, Lynch-Staunton et d'autres regrettent un peu la rapidité avec laquelle nous vous avons reçue aujourd'hui. Je le regrette un peu car, lors de l'examen en comité plénier de l'ancien commissaire au Sénat, il y avait un trône élevé et la télévision était présente. Vous savez, madame, on critique souvent le Sénat, mais plus de la moitié des sénateurs, un vendredi après-midi, avec seulement une heure d'avis, sont venus vous manifester leur intérêt. Je regrette que le tout se soit déroulé rapidement, car nous aurions pu avoir la télévision — quand bien même, pour ceux d'entre vous qui s'en souviennent, lors de la précédente occasion, ils sont tombés à cours de bande vidéo au moment où j'ai parlé; c'est extraordinaire!

[Traduction]

Les sénateurs se souviennent-ils que le caméraman a manqué de pellicule juste au moment où j'allais répondre à M. Radwanski? C'est tout de même une coïncidence étrange. Quoi qu'il en soit, j'ai survécu.

[Français]

Monsieur Marleau, j'ai eu une grande confiance en vous pendant 30 ans comme député. Nous sommes en train de méditer au Sénat sur un projet d'un code d'éthique. Reposez-vous bien, vous le méritez, et sans doute pourrons-nous être en mesure de vous rappeler pour servir le pays.

(1530)

Quant à vous, madame Stoddart, mes collègues et moi serons à votre disposition. Je vous implore de redonner la fierté, comme M. Marleau a réussi à le faire avec les employés, pour mettre fin à ce régime de terreur. Cela fait 40 ans, madame, que je suis au Parlement et je peux tout obtenir du personnel. Je recevais des plaintes, mais personne ne pouvait m'écouter puisque j'étais contre sa nomination. Je suis confiant que votre mandat sera un grand succès. Si je peux vous être utile de quelque façon que ce soit, je serai à votre disposition.

Je vous souhaite la meilleure des chances.

[Traduction]

Le sénateur Baker: Je vous félicite de la carrière remarquable que vous menez jusqu'ici. À en juger par vos titres de compétence, elle est exemplaire.

Ma question concerne l'observation que le sénateur Beaudoin a faite au début, puis celle que vous avez faite par la suite au sujet de la protection de la vie privée, aux termes de la Charte et de la common law, ainsi que la tendance qui semble se dessiner au sujet des modifications apportées au Code criminel au fil des ans.

Le sénateur De Bané faisait remarquer qu'on pouvait obtenir un numéro de téléphone, trouver une adresse et tout le reste. En tout cas, on peut trouver un numéro de téléphone, une adresse et certains autres renseignements. Bien sûr, il n'est pas nécessaire d'obtenir un mandat de perquisition pour obtenir ces renseignements auprès de la compagnie de téléphone. Cela a toujours été le cas. Cependant, au fil des ans, on a modifié le Code criminel pour permettre, par exemple, la délivrance de mandats d'enregistreur de numéro. Comme vous le savez, habituellement, lorsqu'on obtient un mandat de perquisition, c'est pour obtenir des renseignements qui justifient des accusations au criminel. On cherche ces renseignements et on a des motifs raisonnables de croire qu'ils existent. Ces deux dernières années, des modifications apportées au Code criminel montrent qu'on cherche des renseignements qui mèneront à d'autres renseignements et, de là, à des motifs raisonnables de porter des accusations.

Je crois que le sénateur Beaudoin vous a demandé comment vous voyez votre rôle relativement aux deux modifications qui seront apportées au Code criminel. L'une d'elles découle du scandale à la société Enron. Cette situation soulève toute la question des mandats de perquisition et permettra la délivrance d'un mandat général, pour une période indéterminée, afin que des institutions financières puissent enquêter sur les finances d'un particulier et, bien sûr, faire rapport à celui qui a délivré le mandat, autrement dit, l'enquêteur.

Lorsque d'importantes modifications de ce genre sont apportées au Code criminel, le ministère de la Justice s'adresse-t-il automatiquement à votre bureau pour demander une opinion? Recommanderiez-vous un mécanisme de ce genre et, s'il n'existe pas et que vous ne le recommandez pas, comment estimez-vous pouvoir assumer votre rôle, à savoir préserver les valeurs de la Charte que le sénateur Beaudoin a soulignées avec beaucoup de justesse, soit la justice fondamentale, à l'article 7, et une protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, aux articles 8 et 9?

Mme Stoddart: Merci de vos questions, honorable sénateur. Elles revêtent une importance cruciale.

Je ne peux pas témoigner des relations entre le ministère de la Justice et le Commissariat à la protection de la vie privée; je demanderai à M. Marleau de continuer de vous en entretenir. Cependant, il me semble qu'un rôle important du commissaire à la protection de la vie privée consiste à pouvoir agir à temps, pour se former une opinion bien documentée sur les répercussions d'importantes mesures législatives sur la protection de la vie privée. C'est certes un rôle que je connais bien.

Vous avez donné des exemples du pouvoir des services policiers en ce qui concerne l'obtention de renseignements sur les finances de particuliers et d'autres renseignements. À titre de présidente de la Commission d'accès à l'information du Québec, j'ai pris une position très claire sur le partage de l'information entre la Sûreté du Québec et Revenu Québec et j'ai dit que la différence entre les pouvoirs conférés par le droit civil et ceux conférés par le droit pénal était fondamentale dans notre démocratie. Il ne faut pas facilement porter atteinte à cette distinction. Grâce aux propositions que nous avons faites à l'Assemblée nationale du Québec, il y a maintenant dans la Loi sur Revenu Québec une disposition qui précise que les fonctionnaires ne peuvent transmettre des informations présentant un intérêt pour la police et qu'il faut, à cette fin, l'autorisation de l'équivalent d'un juge ou d'un juge de paix. Nous ne nions pas que toutes sortes d'informations pertinentes puissent passer entre les mains des employés de Revenu Québec, mais nous pensons que, dans notre société, les autorités policières ne devraient pas avoir tous les pouvoirs et être systématiquement au fait de nos activités quotidiennes. Or, on procède à une activité quotidienne, par exemple, quand on remplit sa déclaration d'impôt.

Je ne connais pas ces modifications particulières au Code criminel, mais il convient de rappeler que, souvent, le problème ne vient pas de l'insuffisance des pouvoirs dont nous disposons dans la société, mais bien du fait que nous ne nous en prévalons pas. Voici ce qu'il faut se demander: de quels pouvoirs devrions-nous nous prévaloir convenablement au lieu de chercher à en obtenir de nouveaux? Je pense que M. Marleau pourra vous renseigner mieux que moi sur les rapports qui existent actuellement.

M. Marleau: Honorables sénateurs, le Conseil du Trésor a adopté en l'an 2000 une politique qui prévoyait que tous les nouveaux programmes importants, tout particulièrement ceux qui traitent du trafic de renseignements personnels, devaient être soumis dès les premières étapes à une révision qui serait effectuée par le Commissariat à la protection de la vie privée aux fins d'analyse des facteurs relatifs à la vie privée. Mon prédécesseur n'y attachait pas la même importance que j'y ai accordée lorsque je suis arrivé à mon poste et je vais faire mon possible pour inculquer ce principe, si je le peux, à mon successeur au cours de nos rencontres d'information.

Cette nouvelle formule d'analyse des facteurs relatifs à la vie privée constitue un nouveau développement très positif. J'en ai d'ailleurs félicité le gouvernement dans mon rapport annuel. J'ai recommandé aux membres du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes de l'inclure dans la loi. Je leur ai proposé de modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels et d'obliger le gouvernement à consulter le commissariat à l'égard de ces initiatives pour que nous puissions, dès le début du processus, déterminer quelles sont les préoccupations en matière de protection de la vie privée et permettre au gouvernement de les régler. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais le fait de discuter de ces questions au tout début du processus est beaucoup plus utile et beaucoup moins hostile que certaines des situations dont le sénateur Andreychuk a parlé. Nous en sommes parfois rendus tellement loin dans le processus que le commissaire à la protection de la vie privée doit prendre une position ferme pour être bien compris. Si le Sénat veut promouvoir cet aspect, j'inciterais votre honorable Chambre à transformer cette politique, qui repose sur la volonté du gouvernement du jour en une loi.

[Français]

La présidente: Madame Stoddart et monsieur Marleau, je voudrais, au nom de tous les honorables sénateurs, vous remercier de votre comparution. Nous aurons peut-être le plaisir de vous revoir.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Je propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Robichaud, que la motion soit adoptée.

La présidente: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

La présidente: La motion est adoptée.

Êtes-vous d'accord pour que je lève la séance et que je présente le rapport?

Des voix: D'accord.


[Français]

Le Sénat reprend sa séance.

ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ PLÉNIER

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, le comité plénier a approuvé la motion qui lui a été référée quant à la nomination de Mme Jennifer Stoddart à titre de commissaire à la protection de la vie privée pour un mandat de sept ans, et m'a chargée de faire rapport que le comité a terminé ses délibérations.

(1540)

[Traduction]

Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que nous adoptions le rapport du comité plénier?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion modifiée de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence, tel que modifié.

Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Carstairs propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Robichaud, que le projet de loi modifié soit maintenant lu une troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié est lu une troisième fois et adopté, avec dissidence.)

[Français]

L'AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné au mardi 18 novembre 2003, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LA PROCRÉATION ASSISTÉE

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Morin, appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-13, Loi concernant la procréation assistée.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'interviens à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-13, Loi concernant la procréation assistée.

Honorables sénateurs, jusqu'à maintenant, plusieurs sénateurs ont apporté une importante contribution au débat de deuxième lecture. Il s'agit notamment du défenseur du projet de loi, notre collègue le sénateur Morin, et du porte-parole de l'opposition, le sénateur Keon. Nous avons la chance de compter sur deux excellents scientifiques et médecins en la personne de ces deux sénateurs, ainsi que sur les autres sénateurs qui ont participé au débat.

Puisque le débat de deuxième lecture porte sur le principe d'un projet de loi, il importe d'essayer de définir le ou les principes qui sous-tendent ce projet de loi ministériel et d'en discuter. Le projet de loi comprend un article intitulé «Principes», mais il est parfois nécessaire d'aller au-delà des principes qui sont articulés dans une mesure législative.

S'il est établi comme principe que la société contemporaine doit utiliser toutes les biotechniques et toutes les connaissances disponibles dans le domaine de la biotechnologie pour appuyer les familles canadiennes qui désirent fonder une famille et élever des enfants, alors je crois qu'il s'agit d'un principe noble et louable.

En revanche, si le projet de loi s'appuie sur un principe qui, à l'analyse, se révèle être celui de la promotion de la recherche sur le génie génétique, alors je serais tenté de le rejeter a priori comme heurtant la dignité et la valeur de l'être humain.

Honorables sénateurs, si le projet de loi avait pour but d'établir au Canada un cadre et un protocole législatifs, accompagnés d'une structure appropriée pour faciliter la recherche continue en vue d'assurer le mieux-être des familles canadiennes, alors nous pourrions peut-être considérer cette initiative comme étant sensible à la dignité et à la valeur inestimable de l'être humain.

Dans mes efforts pour bien comprendre les principes sur lesquels s'appuie ce projet de loi, je me bute à la vaste gamme de ce que beaucoup décriraient comme des questions de biotechnologie de pointe. Devant ce défi qui se pose à moi au cours de l'examen des mesures législatives proposées, je dois me poser cette question: «Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d'inclure autant de sujets différents dans le même projet de loi?»

Il y aurait lieu de demander au gouvernement si une démarche différente aurait été préférable. Ainsi, n'aurait-il pas mieux valu réunir dans le projet de loi les questions portant sur un sujet commun et inclure les autres questions dans un projet de loi différent? Je pose la question.

Ce qui m'amène à parler du processus législatif et du fond du projet de loi à l'étude. Dans le premier cas, il sera important que tous les honorables sénateurs sachent si le gouvernement laissera le Sénat examiner attentivement le projet de loi C-13 à chacune des étapes du processus ou si, fort de sa majorité écrasante au Sénat, il nous imposera une date butoir pour terminer notre travail.

J'espère qu'on aura suffisamment de temps pour procéder à une étude approfondie, sinon il nous sera impossible de bien assimiler les nombreux principes liés à ce projet de loi et se rapportant, d'une part, aux progrès impressionnants réalisés dans le domaine de la biotechnologie et, d'autre part, à la valeur éthique des recherches, eu égard à la dignité et à la valeur de l'être humain.

(1550)

Pour ce qui est du contenu, la partie du projet de loi qui interdit le clonage humain se fonde sur une opinion que partagent de nombreux Canadiens. L'article 5 du projet de loi interdit, de manière plutôt adéquate à mon avis, le mélange de matériel génétique provenant d'humains et d'autres espèces en vue de créer une sorte d'être hybride.

Comme je l'ai mentionné, je pense qu'il s'agit d'une mesure législative concrète qui se fonde sur un principe que je considère immuable.

La prudence doit guider nos travaux. Nous utiliserons toute la sagesse possible lors de l'étude de toutes les dispositions proposées dans le projet de loi, qui traite d'une multitude de questions. Nous devrons étudier des sujets qui exigeront que nous adoptions de nombreux modes d'analyse différents en matière d'éthique.

Il sera important d'envisager ces approches philosophiques et théologiques avec ouverture, cherchant à en apprendre davantage grâce aux lumières des différentes religions de notre pays. Nous devrons également faire preuve de générosité dans notre façon d'aborder les merveilles de la science du XXIe siècle.

Je ne veux préjuger de rien à cette étape, mais je me suis renseigné et j'ai recueilli l'avis d'un certain nombre de bioéthiciens à travers le Canada, ainsi que de scientifiques oeuvrant en milieu universitaire et dans des cliniques de reproduction humaine et de médecins. Leur souhait, que tous partagent selon moi, m'a fait grande impression; c'est celui de disposer d'un cadre législatif permettant aux familles canadiennes de recevoir le genre d'assistance moderne qu'elles croient devoir recevoir — et qui devrait leur être offerte. Cela dit, nous devons rédiger le protocole approprié pour que la science puisse continuer à explorer les nouveaux domaines de la connaissance susceptibles de profiter au bien commun. Je crois que ces objectifs peuvent être poursuivis dans le respect des systèmes de valeurs prônés par les grandes traditions religieuses de notre pays.

À beaucoup d'égards, le consensus que j'ai recueilli auprès des gens consultés était à l'effet que c'était probablement là, après réflexion, une assez bonne orientation pour un cadre législatif. De façon plus particulière, toutefois, de graves préoccupations ont été exprimées par beaucoup d'entre eux.

En cherchant à comprendre tout cela, je me suis rappelé l'impact déterminant que la communauté mondiale a pu avoir en s'entendant, le 10 décembre 1948, il y a plus d'un demi-siècle, et en adoptant une norme universelle en matière de droits humains fondée sur la dignité et la valeur de la personne humaine. Je parle, évidemment, de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Honorables sénateurs, il est cependant instructif pour nous tous de nous souvenir que, en dépit du fait que la communauté internationale ait été en mesure de s'entendre sur un cadre législatif international se rapportant aux droits de la personne, lorsque l'UNESCO a rassemblé les grands penseurs du monde — provenant de toutes les écoles de pensée et de tous les systèmes juridiques — ceux-ci ont pu accepter les droits définis dans ce cadre législatif, mais ils n'ont cependant pas pu s'entendre sur ce qui faisait que ces différents droits étaient bien des droits.

Lorsque nous produirons un projet de loi répondant aux objectifs du bien commun et de l'intérêt public, nous pourrions très bien arriver à devoir admettre, en tant que législateurs, qu'il y a diverses façons de justifier un droit. Nous pourrions nous entendre sur le projet de loi, mais chacun pourrait avoir ses propres raisons de trouver que c'est une bonne mesure législative.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Morin, avec l'appui de l'honorable sénateur Gauthier, propose que ce projet de loi soit lu une deuxième fois maintenant. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

LE SÉNAT

HOMMAGES AU PORTEUR DE LA MASSE À L'OCCASION DE SON DÉPART À LA RETRAITE

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, puisque nous approchons de 16 heures, et donc de l'ajournement, au nom de tous les sénateurs, je tiens à rendre hommage à un participant très spécial aux travaux du Sénat, bien que ce ne soit pas un sénateur. Je parle, bien entendu, du porteur de la masse, M. Richard Dick Logan, qui a annoncé qu'il ne serait plus porteur de la masse au Sénat à compter de janvier prochain. Je tiens à le remercier pour son excellent travail et son comportement exemplaire.

Les soins palliatifs sont très importants à mes yeux et me tiennent énormément à coeur; j'ai donc été particulièrement touchée lorsqu'il a déclaré qu'il voulait consacrer plus de temps à l'Ordre de St- Lazare qui concentre ses activités sur les soins palliatifs. Nous offrons donc à M. Logan l'assurance de notre profonde affection et nos meilleurs voeux de réussite dans tout ce qu'il entreprendra; nous l'encourageons à continuer de travailler pour les gens du Canada et, évidemment, à passer plus de temps auprès de ses petits-enfants.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je sais que c'est contraire au Règlement, mais qu'on me permette de reprendre à mon compte les propos du sénateur Carstairs.

Merci, Richard, vous avez été un excellent porteur de masse.

Honorables sénateurs, comme il est 16 heures, conformément au paragraphe 6(2) du Règlement, je déclare que la motion d'ajournement a été proposée et adoptée.

(Le Sénat s'ajourne au mardi 18 novembre 2003, à 14 heures.)


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